Dans le monde des réseaux sociaux, Google, Facebook et Twitter sont de féroces compétiteurs. Leur terrain de bataille? Un univers où il est seulement permis «d'aimer»: une page web, le commentaire d'un internaute ou un résultat de recherche. Et tant pis pour les opinions divergentes...

Partout sur la Toile, les sites offrent d'aimer leurs pages sur Facebook, ou d'en gazouiller l'existence. Depuis que Google a lancé son propre outil d'appréciation, appelé "1, on peut également les «plus-uner».

Un autre des traits caractéristiques de ces nouveaux médias: l'instantanéité. Un de nos contacts a une opinion? Ding! Le portable sonne. D'un seul clic, on retransmet cette opinion à tous nos autres contacts.

En marketing, cette propagation rapide d'une opinion est ce qu'on appelle un phénomène viral. En sociologie, c'est ce qu'André Mondoux, professeur à l'École des médias de l'UQAM et observateur aguerri des nouvelles technologies, appelle le banc de poissons.

«On est dans le temps réel: comme un banc de poissons, on réagit massivement et instantanément en suivant la direction prise par le premier à agir. C'est contradictoire, car si les médias sociaux permettent une émancipation totale de l'individu, à l'opposé, sur le plan collectif, ils imposent un conformisme des idées.»

Autrement dit, une fois qu'une idée est lancée, difficile d'en altérer le mouvement. Tout le monde doit suivre. Si ça a des apparences de culte, ce n'est pas fortuit: les meneurs à ce jeu se qualifient eux-mêmes de gourous et d'évangélistes, pour tel phénomène ou telle entreprise.

«C'est la nouvelle foi: la sphère sociale est une machine à produire où le négativisme n'a pas sa place», dit M. Mondoux. D'ailleurs, ceux qui dérangent ont aussi leur propre surnom: des trolls. On dit qu'ils empestent les blogues avec leur insolence et leur impertinence, comme leurs mythiques prête-noms norvégiens empestent la forêt.

Résultat? L'opinion s'extrémise et se banalise à la fois. «Ce n'est plus juste bon ou moins bon, c'est le meilleur et le pire. Même celui qui a tort a droit à son opinion, puisque désormais, toutes les opinions se valent, expertes ou profanes.»

S'ils avaient vécu au XXIe siècle, Freud, Darwin ou Newton auraient-ils eu le même impact sur la science, demande le professeur. Auraient-ils provoqué une vague de pouces en l'air, ou au contraire, auraient-ils été noyés par le banc de poissons?