Vous demeurez au Canada? Oubliez Amazon Cloud Player, Apple iCloud et Google Music. Les lois régissant l'industrie musicale risquent d'empêcher les fournisseurs de services résidant dans le nuage d'en faire autant avec la musique. Et ce n'est pas près de changer, note Michael Geist, expert canadien des nouvelles technologies.

Vu la vitesse avec laquelle le gouvernement fédéral tente de revoir la Loi sur le droit d'auteur afin de l'adapter au numérique, et surtout, vu la direction prise par les quelques projets de loi qui ont jusqu'ici tous avorté, on doute que ces lois soient révisées à temps pour le lancement prévu du service iCloud, qu'Apple annonce déjà pour « cet automne aux États-Unis seulement ».

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Dans un billet sur son blogue, le professeur Michael Geist, directeur de la Chaire canadienne sur internet et le commerce électronique à l'Université d'Ottawa, identifie trois points de litige qui pourraient bloquer la mise en marché de ces nouveaux services au pays : l'autorisation de licence, les redevances et le manque de flexibilité de la loi à l'égard des nouvelles technologies.

M. Geist compare iTunes Match, qui permet de reproduire dans un compte en ligne la musique qu'on possède sur son propre poste informatique, à la radio internet Pandora. Depuis des années, Pandora souhaite percer le marché canadien, mais le coût des licences qui lui permettraient d'y parvenir est exorbitant. Il n'y a aucune raison de croire que ce sera différent pour Apple, estime le professeur.

Questionné à ce sujet, Michael Geist répond, par courriel : « iTunes Match reproduit la musique que vous possédez sur ses serveurs sans avoir à la téléverser soi-même. C'est une technologie qui va nécessiter une licence, mais on n'a jamais rien vu de tel au Canada. Amazon et Google n'ont pas de licence. Leur service repose sur une notion "d'usage loyal" (fair use) que la loi canadienne actuelle ne reconnaît tout simplement pas. »

Les services musicaux déjà existants au Canada, comme Audiogalaxy ou Rdio, sont essentiellement des radios internet offrant un abonnement payant et n'incarnent par une formule qui pourrait être adoptée par ces trois grands pour débarquer au Canada, continue M. Geist. « La possibilité d'y télécharger sa musique coûte cinq fois le prix suggéré d'iTunes Match, mais elle disparaît dès qu'on cesse de payer. »

La loi canadienne est plus sévère que la loi américaine en matière de reproduction de contenu protégé sur différents supports. Faute d'une entente de licence avec les sociétés propriétaires des droits musicaux pour le Canada, Amazon, Apple et Google pourraient se voir imposer des redevances pour chaque accès à une chanson sur leurs serveurs.

C'est l'objectif d'un groupe de pression national, la Société canadienne de perception de la copie privée, de s'assurer que les artistes reçoivent une redevance chaque fois qu'une de leurs oeuvres est reproduite. Cette société, qui souhaiterait imposer une redevance sur tout type de support informatique, du baladeur numérique à la carte mémoire pour appareils photo, ne risque pas de changer d'opinion pour un serveur informatique.

Bref, conclut Michael Geist, ça prendrait l'intervention des ministres fédéraux pour revoir la loi, afin qu'elle soit plus flexible face à cette nouvelle technologie de stockage et d'accès multiple à distance, faute de quoi les services de ces trois grands ne seront tout simplement pas offerts au Canada à court terme.