La nouvelle agite depuis lundi les réseaux sociaux branchés sur les révolutions arabes: la blogueuse américano-syrienne Amina Abdallah Araf aurait été enlevée par des inconnus à Damas, vers 18h lundi soir, selon un message publié sur son blog.

Amina Abdallah, 36 ans, sunnite, féministe et lesbienne, est l'auteure du blogue A Gay Girl in Damascus (Une fille gaie à Damas), en ligne depuis le mois de février, dans la foulée des contestations du printemps arabe. Elle y parle de ses états d'âme, de sa vie à Damas et critique la politique du gouvernement syrien.

À Montréal, son amie Sandra Bagaria accuse le coup. «Dans le dernier courriel que j'ai eu, lundi matin, elle avait l'air assez optimiste. Elle disait voir la fin, que les opposants étaient enfin en train de gagner», a confié hier Mme Bagaria, qui correspond avec Mme Abdallah depuis février dernier et qui administre maintenant une page Facebook pour réclamer la libération de son amie.



Confusion

Une certaine confusion régnait toutefois hier soir sur l'identité réelle de la blogueuse. Certains opposants syriens ont dit douter de la véracité des propos publiés sur le blogue - sur un autre blogue tenu en 2007, elle disait mélanger faits et fiction. D'autres supposent qu'il s'agirait d'un pseudonyme.



Selon des informations publiées ce matin par le Wall Street Journal, la photo d'Amina Abdallah qui circule dans les médias serait en fait celle d'une Londonienne du nom de Jelena Lecic.

La photo de Mme Lecic aurait été dérobée sur sa page Facebook. Mme Lecic, rapporte le Wall Street Journal, a remarqué sa photo publiée sur le site web du quotidien britannique The Guardian dans un article consacré à Amina Abdallah. La photo a ensuite été enlevée... avant d'être remplacée par une autre photo d'elle. Dans un communiqué, Mme Lecic déclare: «Je prie pour qu'Amina retourne auprès de sa famille en toute sécurité, mais je veux préciser que je ne suis pas Amina même si ma photographie a été liée à cette histoire».



Sandra Bagaria n'a jamais rencontré Mme Abdallah en personne et n'a jamais non plus parlé à sa famille. «Mais je n'ai jamais douté de son existence, réplique-t-elle. Je suis en contact avec certains de ses amis en Syrie. J'ai 500 courriels et 1000 photos de sa part.»

Amina Abdallah a récemment attiré l'attention des médias occidentaux en racontant comment son père s'était interposé devant deux hommes venus l'arrêter en pleine nuit, au mois d'avril. Motif: complot contre l'État, participation à des manifestations et, oui, homosexualité.

«Laissez-moi vous dire une chose au sujet de ma fille, aurait dit le père d'Amina aux deux hommes. Elle a fait beaucoup de choses que je n'aurais pas faites si j'avais été à sa place. Mais elle n'a jamais cessé d'être ma fille, et je ne vous laisserai jamais lui faire de mal.»

Lente révolution

La blogueuse a participé aux manifestations pour faire tomber le régime de Bachar al-Assad en sachant très bien quels en étaient les risquwes. Mais ces derniers temps, dit Sandra Bagaria, Amina Abdallah était lasse «que ce soit si long à arriver en Syrie». Elle n'a pas tenté d'inciter son amie à quitter le pays. «C'est une battante. Je respecte le fait que quelqu'un défende les droits de la population de son pays. Si j'étais en Syrie, je ferais la même chose.»

Lundi, une dame qui se présente comme la cousine d'Amina Abdallah a raconté sur le blogue ce qui s'était passé quelques heures plus tôt. Amina Abdallah, écrit-elle, allait rencontrer un membre de l'opposition syrienne quand trois hommes l'ont enlevée. Selon un témoin non identifié, la blogueuse aurait été emmenée dans une voiture des forces de sécurité du parti Baas. «Malheureusement, écrit la cousine de Mme Abdallah, il y a au moins 18 corps de police en Syrie, en plus des milices des partis. Nous ne savons pas qui l'a prise, nous ne savons donc pas à qui demander de nous la rendre.» Elle dit ne pas exclure qu'on tente de l'exiler.

«D'après d'autres membres de la famille qui ont déjà été emprisonnés, nous croyons qu'elle pourrait être relâchée bientôt. S'ils voulaient la tuer, ils l'auraient déjà fait. C'est ce que nous espérons tous.»

Cette photo, qui a circulé abondamment dans les médias, ne serait pas celle d'Amina Abdallah.