La Chine semble colmater les brèches de sa «Grande Muraille informatique» qui ont laissé passer des appels à manifester dans l'esprit des révoltes du Proche-Orient, créant de fortes perturbations pour les utilisateurs d'internet, entreprises et individus.

Gmail, la messagerie de Google, a été fortement perturbée, comme d'autres services internet qui fournissent des logiciels permettant aux utilisateurs de garantir leur sécurité informatique et contourner la« Grande Muraille».

«Ils (le gouvernement: ndlr) essayent de nouvelles choses pour voir s'il existe des moyens technologiques de faire face à une éventuelle opposition organisée», déclare à l'AFP Russell Leigh Moses, analyste politique basé à Pékin.

La Chine censure lourdement l'internet sur lequel elle exerce une surveillance étroite, l'expurgeant notamment des contenus politiques.

Les utilisateurs de Gmail se sont plaints ces dernières semaines de difficultés d'accès, poussant certains à se tourner vers les concurrents Hotmail et Yahoo!, tandis que Google mettait clairement en cause le gouvernement.

«Il n'y a aucun problème technique de notre côté, nous avons tout vérifié. C'est un blocage décidé par le gouvernement et conçu de manière à ce que le problème semble venir de Gmail», a affirmé le groupe américain dans un communiqué à l'AFP.

Les fournisseurs de réseau privé virtuel (VPN), qui permettent de contourner la censure, rejettent eux aussi la faute sur le gouvernement. Au moins quatre fournisseurs ont fait état de difficultés en Chine récemment.

Le fournisseur 12VPN évite de prendre de nouveaux clients en Chine «pendant cette période incertaine», a indiqué un porte-parole. «Cela semble être la réaction chinoise aux appels à manifester», a-t-il dit.

Ces appels anonymes sur internet pour inciter les Chinois à descendre dans la rue, à l'instar des mouvements de protestation au Proche-Orient, sont apparus en février.

Ils ont entraîné d'importants déploiements de forces dans les lieux de rassemblement désignés pour empêcher toute contestation. Aucune protestation n'a été signalée jusqu'à présent.

La Chine connaît une insatisfaction croissante de sa population face à l'inflation, la corruption et l'aggravation du fossé entre les riches et les pauvres, un cocktail semblable à celui qui a provoqué des renversements de régime en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Pékin a donc suivi avec nervosité les émeutes dans cette partie du globe et censuré sur internet les informations s'y rapportant.

Ces perturbations informatiques affectent notamment les entreprises.

«C'est un facteur de plus qui rend les choses difficiles en Chine», déclare Ben Cavender, qui travaille au China Market Research Group, basé à Shanghai.

Les sociétés étrangères sont déjà confrontées à beaucoup de problèmes dans ce pays, dont un cadre législatif qui leur est très défavorable, souligne-t-il. «Et si elles ont des problèmes pour accéder à l'information, c'est un gros obstacle de plus qu'il faut gérer».

La Chine, qui dispose de la plus grande population d'internautes au monde (457 millions), a plusieurs fois défendu son droit de censurer l'internet au nom de la sécurité de l'État.

Les entreprises étrangères sont particulièrement touchées car elles ont besoin d'un accès fluide aux sites étrangers pour conduire leurs activités.

«Cela pourrait être une nouvelle façon pour le gouvernement de conférer un avantage commercial aux entreprises qu'ils souhaitent favoriser. Il est très possible qu'il cible sutout les étrangères», selon M. Moses.

Mais les particuliers chinois aussi sont mécontents, en particulier à propos de Gmail, prisé des internautes les plus éduqués. Dans un commentaire sur le portail Sina.com, l'un d'entre eux qualifie ces agissements de «méthode méprisable».