Microsoft doit dévoiler mardi la version française de son moteur de recherche Bing avec pour objectif affiché de venir titiller son ennemi déclaré Google, ultradominant dans ce domaine.

Cumulant 91,5% des recherches effectuées sur internet en France, Google arrive aujourd'hui très loin devant Bing, deuxième avec 3,4% seulement des requêtes en janvier, selon le baromètre d'AT Internet. En Europe de l'ouest, il oscille entre 85 et 95% de parts de marché.

Microsoft est associé depuis novembre 2010 à un autre géant, Yahoo, dans la recherche sur internet, un marché qui a rapporté 30 milliards de dollars de recettes publicitaires dans le monde grâce aux liens sponsorisés en 2010, selon l'analyste Vincent Letang, d'IHS Screen Digest.

En lançant une version France de Bing, «Microsoft n'arrivera pas à détrôner Google. Ils partent de très bas», note-t-il, «mais avec des investissements promotionnels gigantesques, ils ont peut-être les moyens de se tailler une part de marché de 5% à 10% en quelques années».

«Dans les moteurs de recherche, les positions sont beaucoup plus monopolistiques que dans d'autres secteurs industriels», souligne aussi l'analyste Stéphane Dubreuil du cabinet SIA Conseil.

Mais pour Microsoft, il serait pénalisant d'être absent de ce secteur très dynamique, qui a progressé de 17% en un an, selon M. Letang: «Microsoft veut être un acteur majeur de la publicité sur internet. Il l'est déjà dans l'affichage de bannière et encarts sur Hotmail et MSN, mais veut aussi s'affirmer dans la recherche».

Dans cette optique, «adapter (comme le fait Bing) un algorithme à une langue particulière peut véritablement améliorer la qualité des résultats», avance-t-il, en soulignant que la langue a pu être une barrière pour le succès des moteurs de recherche globaux, par exemple en Asie.

Pour Microsoft, les enjeux sont d'autant plus importants que les deux poids lourds américains sont en concurrence frontale sur la plupart des services technologiques grand public aujourd'hui, comme les navigateurs internet.

Google a ainsi lancé en 2008 son navigateur Chrome en espérant faire vaciller l'assise du logiciel phare de Microsoft, Internet Explorer (IE).

Depuis, IE est d'ailleurs en perte de vitesse. Entre octobre 2009 et octobre 2010, il a reculé de 10 points, pour représenter 51,5% du trafic internet européen. Dans le même temps, Google Chrome gagnait 5,8 points pour atteindre 8,9% de ce marché, selon AT Internet.

«La bataille se porte aujourd'hui à la fois sur le fixe et le mobile», note également M. Dubreuil.

Car Google s'est lancé avec succès dans les logiciels d'exploitation pour téléphones intelligents, avec Android, alors que les téléphones intelligents de Microsoft ont jusqu'ici été un échec, poussant le groupe à s'allier récemment avec Nokia;

Mais Google n'hésite pas à aller beaucoup plus loin, en s'aventurant aussi dans les logiciels avec notamment le lancement, prévu cette année, d'un logiciel d'exploitation pour ordinateurs visant clairement à déboulonner Windows.

«Les achats de licences sont aujourd'hui en train de disparaître avec la location de logiciels via internet. Pour cela, il faut donc être présent sur internet afin de pouvoir jouer sur cette porte d'accès», d'où l'importance pour Microsoft d'avoir son propre moteur de recherche, décrypte M. Dubreuil.

Reste que Microsoft a plus d'un tour dans son sac. Bing est ainsi le moteur de recherche par défaut sur Facebook, dont les données sont intégrées dans les résultats affichés. «Cette alliance témoigne d'une approche assez maligne (...) les fonctionnalités sociales étant le seul point faible de Google», avance M. Letang.