L'organisme chargé de réglementer les noms de domaine de l'internet, l'Icann, a annoncé jeudi qu'il avait distribué ses cinq derniers lots de numéros IP (protocole internet), permettant d'identifier les destinations du trafic internet à travers le monde.

«Un réservoir de plus de quatre milliards d'adresses internet a été vidé ce matin», a déclaré le patron de l'Icann Rod Beckstrom lors d'une conférence de presse à Miami. «C'est complètement vide, il n'y en a plus».

Pour autant, il a répété que le monde du tout connecté n'était pas au bord de l'«IPocalypse»: le stocks d'adresses de l'Icann a en fait été distribué à des registres régionaux de noms de domaines, qui seront en mesure de fournir ces numéros identifiants en attendant le basculement du standard actuel, baptisé IPv4, au standard IPv6, virtuellement inépuisable.

«C'est comme quand on est à court de plaques d'immatriculation», a déclaré pour sa part Olaf Kolkman, président de l'organisme technique chapeautant les aspects techniques d'internet, l'IAB (Internet architecture board).

Le standard actuel IPv4 supporte «seulement» 4 milliards d'adresses IP (formées de séries de 4 nombres séparés par des points) gérées par l'Icann.

Cela fait plusieurs années que l'Icann demande l'adoption du nouveau standard IPv6, qui peut accueillir environ 340 sextillions d'adresses (soit 340 fois 10 à la puissance 36): suffisamment pour que mille milliard d'individus disposent chacun de mille milliards d'adresses IP, selon le président de l'Icann Rod Beckstrom.

L'effort et l'investissement nécessaires pour basculer sur le standard IPv6 reposent surtout sur les fournisseurs d'accès, qui doivent faire en sorte que leurs réseaux puissent gérer ces nouvelles adresses et router le trafic.

«Si le fournisseur d'accès fait ce qu'il faut, ça ne devrait pas être un gros problème», a déclaré à l'AFP le directeur d'exploitation de l'opérateur britannique Timico, Trefor Davies.

«Il faut vraiment considérer ça comme un moment historique», a-t-il ajouté. «C'est la nature même d'internet qui change avec cette transition», dit-il à l'AFP.

D'après M. Beckstrom, le basculement total sur le standard IPv6 devrait prendre plusieurs années et coûter au total des milliards de dollars - y compris des frais qui de toutes façons correspondent au remplacement de certains équipements.

Du côté des consommateurs, le basculement pourrait passer inaperçu, car la suite complexe de numéros IP devrait continuer d'apparaître sous la forme de noms de domaine avec des préfixes .com, .org, .fr etc

«Toutes les conditions sont en place pour une transition réussie sur l'IPv6», a assuré M. Beckstrom. «L'avenir d'internet et de l'innovation qu'il engendre reposent sur l'IPv6», a-t-il ajouté.

Les adresses au standard IPv4 devraient commencer par être épuisées en Asie, où la demande connaît la plus forte expansion. Une fois que les registres régionaux seront eux-mêmes à court d'adresses au format IP, ils devraient commencer à recourir au standard IPv6.

Dans un premier temps, il faudra que les systèmes puissent gérer les deux standards.

Certains ordinateurs et autres appareils pourraient devoir partager des numéros identifiants. «Internet ne tombera pas en panne: il se dégradera lentement», a expliqué récemment à l'AFP un responsable de Google, Lorenzo Colitti.

Google et Facebook, ainsi que d'autres acteurs du secteur, doivent ajouter des adresses IPv6 à leur système lors d'un essai d'une journée au printemps afin d'identifier d'éventuels problèmes: la journée mondiale de l'IPv6 commencera à 00H01 GMT le 8 juin.