Le gouvernement Harper a la ferme intention de casser la décision controversée du CRTC de permettre la facturation des services d'internet selon l'utilisation.

Cette décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui aurait pour effet de mettre fin aux forfaits d'accès illimité, a provoqué l'ire des consommateurs, des petits fournisseurs de services d'internet et de la classe politique à Ottawa.

Le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a indiqué lundi à la Chambre des communes que le gouvernement comptait se prévaloir de son pouvoir discrétionnaire et revoir cette décision, annoncée le 25 janvier. Or, le cabinet de Stephen Harper a déjà pris sa décision, a appris La Presse hier soir.

«Le CRTC ne doit pas se bercer d'illusions. Le premier ministre et le ministre de l'Industrie, Tony Clement, vont casser cette décision, à moins que le CRTC ne le fasse de son propre chef», a affirmé une source gouvernementale digne de foi.

«Le premier ministre croit que la décision du CRTC a des répercussions négatives sur tous les Canadiens et les Québécois, mais surtout ceux qui vivent en milieu rural et qui se servent davantage d'internet. Ses députés et ministres de partout au pays, mais en particulier ceux du Québec qui viennent des régions rurales, lui ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de cette décision. C'est pourquoi le premier ministre va agir pour défendre les intérêts des régions», ajouté cette source.

L'utilisation de l'internet est en pleine croissance au pays. Les Canadiens passent des heures devant leur ordinateur à télécharger des jeux, de la musique et des films. Résultat: ils risquent de dépasser rapidement leur quota de téléchargement si le nouveau régime autorisé par le CRTC entre en vigueur.

Ceux qui s'opposent farouchement à cette décision estiment qu'elle ouvre la porte à des plafonds de téléchargement plus bas, à l'augmentation des tarifs et à des frais plus élevés pour ceux qui dépassent les limites fixées pour la bande passante.

Les consommateurs en colère

Les consommateurs en colère ont d'ailleurs inondé le gouvernement Harper de courriels et de messages de protestation. Or, à la veille de possibles élections au printemps, les partis politiques ne veulent pas se mettre à dos les consommateurs, en particulier les jeunes, qui comptent parmi les plus grands utilisateurs des nouvelles technologies.

Le président du CRTC, Konrad Von Fickenstein, qui doit comparaître cet après-midi devant le comité de l'industrie afin d'expliquer la décision de son organisme aux députés, risque donc de passer un mauvais quart d'heure.

Lundi, le premier ministre Stephen Harper a même utilisé la populaire plateforme de microblogues Twitter pour reprendre à son compte les inquiétudes déjà exprimées par son ministre Tony Clement. «Nous sommes très inquiets à propos de la décision du CRTC sur la facturation à l'usage et de son impact sur les consommateurs», a écrit M. Harper.

Essentiellement, cette décision concerne la vente de blocs de bande passante des principaux fournisseurs, tels Bell Canada, Rogers et Vidéotron, aux petites entreprises qui offrent également l'accès à l'internet.

Selon Lindsey Pinto, du groupe de défense des intérêts en télécommunications OpenMedia.ca, les petits fournisseurs veillaient sur les principaux fournisseurs en favorisant une saine concurrence.

Mais les grands fournisseurs ont argué que la facturation à l'utilisation est réaliste parce que les grands utilisateurs paieront davantage que ceux qui ne font que consulter leur courriel et naviguer un peu sur le Web.

À titre d'exemple, Rogers a affirmé que le téléchargement de données par ses clients bondissait de 40% chaque année.

«Pour suivre la demande, deux choix s'offrent à nous: contrôler le trafic de données ou consacrer de l'argent à des mises à niveau», a affirmé Kathy Murphy, porte-parole de Rogers.