Le moteur de recherche Baidu a profité des démêlés de Google avec les autorités chinoises pour renforcer sa prépondérance sur un marché de 420 millions d'internautes, devenant pour l'écrasante majorité d'entre eux la porte d'entrée d'un internet filtré par la censure.

«C'est pratique, vous pouvez chercher n'importe quoi», a déclaré à l'AFP Gao Yang, un jeune internaute rencontré dans un café internet de Pékin qui passe cinq heures par jour en ligne et assure qu'il ne pourrait plus se passer du moteur de recherche chinois.

Presque tous ses amis utilisent Baidu, explique Gao. «Je ne connais pas bien Google ni les autres moteurs de recherche», ajoute l'internaute en achevant à coups de hache une abominable créature sur le jeu en ligne World of Warcraft.

Il y a quelques mois, Baidu craignait encore Google, dont la part de marché progressait en Chine. Aujourd'hui, celle du moteur chinois atteint 73%, contre 64% au début de l'année.

La part de marché de Google a pour sa part décliné, de 31% au premier trimestre à seulement 21% au troisième, selon le cabinet de consultants Analysys International.

Baidu s'est attaché à répondre aux goûts des internautes chinois, tout en se pliant à la censure gouvernementale en éliminant de ses résultats de recherche les sites dissidents basés à l'étranger et en soumettant à la censure un certain nombre de mots-clés.

Google qui à l'inverse a refusé de se plier aux injonctions de Pékin, s'est vu menacé au printemps de perdre sa licence en Chine avant de rediriger les résultats de recherche de son site chinois (www.google.cn) vers celui de Hong Kong (www.google.com.hk).

Mais le groupe a parallèlement maintenu sa présence en Chine continentale, où ses résultats de recherche sont censurés par Pékin.

Au début de l'année, Google avait par ailleurs menacé de se retirer de Chine à la suite de cyber-attaques répétées en provenance de ce pays.

Baidu a été fondé en 2000 par Robin Li, alors âgé de 31 ans, avec une équipe de dix personnes.

Le nom baidu, qui signifie «cent fois», vient d'un poème classique dans lequel un homme cherche maintes fois son amour. Le mot se prononce aussi comme le bac, qui, sur une rivière, amène le voyageur vers l'autre rive.

Le moteur de recherche a connu ses premiers succès grâce à des liens permettant de télécharger gratuitement des fichiers musicaux, souvent piratés, au format MP3.

M. Li a plus tard refusé une offre de rachat de Google pour 1,6 milliard de dollars avant d'introduire Baidu sur le Nasdaq en 2005. Aujourd'hui, Baidu pèse 38 milliards de dollars, est la quatrième entreprise mondiale de l'internet et cherche à croître à l'international.

Baidu offre depuis deux ans un moteur de recherche en japonais et a lancé cette année un site marchand avec la plus grande galerie commerciale virtuelle nippone, Rakuten.

Robin Li espère que d'ici dix ans, Baidu sera implanté dans la moitié des pays du globe.

Mais pour Duncan Clark, directeur du cabinet d'études BDA China, un tel objectif pourrait se révéler difficile à atteindre, à cause du manque d'expérience de Baidu à l'international et de barrières culturelles.

«Je ne vois pas comment ils pourraient croître» à l'étranger «à moins de réussir à devenir leader dans une technologie nouvelle», dit-il.

«La plupart des non sinophones ne savent même pas comment prononcer Baidu (baille-dou)», relève-t-il.

Le moteur de recherche doit aussi faire face à l'émergence de nouveaux concurrents en Chine.

«La compétition pour les réseaux de distribution et la revente d'espaces publicitaires se fait plus intense qu'auparavant», explique Li Zhi, consultant chez Analysys.

China Mobile, le premier opérateur de téléphonie mondial, a signé un accord avec l'agence Chine nouvelle pour lancer un moteur de recherche.

Et le portail Sohu s'est allié avec le géant chinois du commerce en ligne Alibaba pour renforcer son propre moteur de recherche, Sogou.