L'évolution de la technologie a amené, au cours des 20 dernières années, une panoplie de nouveaux mots dans notre vocabulaire. Si certains d'entre eux ont été rapidement adoptés, d'autres sont tombés dans l'oubli tout aussi vite. Pourquoi l'escargot a-t-il laissé place à l'arrobase? Explications.

Nicolas Roberge est consultant en informatique. Sa spécialité: le stockage de données sur l'internet, appelé en anglais cloud computing. Quand il s'est tourné vers le dictionnaire en ligne de l'Office québécois de la langue française (OQLF) pour savoir comment l'organisme francisait ce terme, ce qu'il y a vu l'a pour le moins surpris: «infonuagique».

«On dirait qu'avec «infonuagique», l'Office a essayé de faire au-delà de ce que les Anglais ont fait. Ils ont inventé un mot. Je n'aime pas la sonorité, qui me fait penser à magique. Je préfère «informatique en nuage» et c'est ce que j'utilise.»

Avec sa résonance toute poétique, le terme «infonuagique» est préféré par l'OQLF à «informatique en nuage» et «informatique nuagière», notamment.

«On propose «infonuagique» en terme principal, mais si, au fil des années, on s'aperçoit que «informatique en nuage» est beaucoup plus adopté, on le choisira comme principale suggestion», dit Martin Bergeron, porte-parole de l'organisme.

Au fil du temps, plusieurs mots ont surgi mais ne se sont jamais popularisés. Il en est ainsi de «mél» qui a été supplanté par «courriel». «A commercial» et «arrobase» sont pour leur part préférés à «escargot» ou «strudel».

«C'est rare qu'un beau mot meure», croit Nicolas Roberge, qui estime qu'il existe une «sélection naturelle des mots».

Blogues, carnet ou joueb?

En tant qu'employé de l'Université Laval, Danny J. Sohier était aux premières loges quand on a commencé à parler de l'internet au Québec. En 1994, il a publié son premier Guide de survie de l'internaute, une adaptation de guides qu'il avait d'abord rédigés pour les employés de l'université. Aux balbutiements de l'internet au Québec, il était parfois joint par l'OQLF pour donner son avis.

De mémoire, il croit avoir été l'un des premiers à avoir utilisé le mot «internaute».

«En anglais, «internaut» était un peu accepté. L'auteure du livre The Whole Internet avait expliqué le terme comme je l'ai ensuite expliqué: si quelqu'un va dans le cosmos et qu'on l'appelle un cosmonaute, la personne qui va dans l'internet devrait s'appeler internaute. J'ai ajouté un «e» et ça a été populaire. C'était très intéressant», se souvient Danny J. Sohier.

Tout comme le mot «internaute», «blogue» est également un mot qui est entré dans le quotidien des Québécois. À l'Office québécois de la langue française, Martin Bergeron est particulièrement fier qu'il ait été adopté si rapidement.

«La première chose qu'on fait, c'est de voir s'il n'y a pas déjà un terme en français qui pourrait définir la réalité qu'on tente de décrire. Dans le cas de «blogue», il n'y en avait pas. Radio-Canada a proposé «carnet», mais dans le monde de l'informatique, «blog» est resté. On a dit: on est prêt à accepter «blogue», mais il faudrait en franciser la graphie, pour l'adapter à la langue française. Ça nous permet de faire des dérivés, comme «bloguer» et «blogueur».»

Comme les innovations technologiques se présentent à un rythme pour le moins rapide, les linguistes de l'OQLF doivent agir vite.

«On a besoin d'être à l'affût et de proposer des termes français très rapidement. Sinon, les mots se répandent très vite et les gens vont adopter un mot comme ils l'ont appris. Quand on veut changer des habitudes, c'est assez difficile», dit Martin Bergeron.

Au quotidien, toutefois, Danny J. Sohier voit chez les jeunes un réel souci d'utiliser des mots français, même quand il est question de technologie.

Cette volonté se retrouve chez le consultant en informatique Nicolas Roberge, qui tâche d'utiliser des termes en français quand il s'adresse à des collègues ou à des clients.

Et il a beau ne pas aimer le terme «infonuagique», il se rendra si le terme est adopté par tous. «Je vais me conformer si c'est ça», conclut-il en rigolant.

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