La Chine bloque Twitter, première plate-forme mondiale de microblogs, mais ce type de médias sociaux y connaît un tel succès qu'il est devenu un moyen privilégié d'expression de l'opinion publique sur des sites soumis à la censure par Pékin.

Difficile d'accès en Chine, Twitter est souvent utilisé par les dissidents qui contournent la censure grâce à des réseaux privés virtuels (VPN). Liu Xia, l'épouse du prix Nobel de la paix incarcéré Liu Xiaobo, y a eu recours lundi pour faire savoir qu'elle se trouve en résidence surveillée.

Mais la très grande majorité des microblogueurs chinois utilisent des services locaux mis en place par une poignée de grandes sociétés.

Cet été, l'un d'entre eux s'est rendu célèbre en diffusant des informations sur la gigantesque coulée de boue de Zhouqu, dans les montagnes reculées du nord-ouest du pays. Les reportages de Wang Kai, 19 ans, ont mis en lumière l'énorme impact potentiel de ces microblogues en Chine, pays qui compte désormais le plus grand nombre d'internautes au monde, environ 420 millions actuellement.

«Le rôle des microblogues (appelés weibo en chinois) est énorme», a déclaré à l'AFP Wang Kai pour expliquer sa démarche.

Le nombre de microblogues en Chine, parti de presque rien l'an dernier, se compte déjà en dizaines de millions. Selon le Centre chinois pour les données de l'internet (DCCI), le nombre d'utilisateurs actifs devrait atteindre 65 millions fin 2010.

Grâce à la compacité des caractères chinois, la limite de 140 signes par message permet aussi d'en dire plus en chinois sur un microblogue que dans une langue à écriture alphabétique.

Mais la puissance des «weibo» réside surtout dans leur capacité à relier efficacement entre eux les très nombreux blogues, forums et autres sites qui sont des vecteurs majeurs de l'opinion publique en Chine.

«La densité d'information qu'ils ont créée, leur dissémination et le degré de connectivité qu'il offrent aux internautes dépassent de loin toutes les formes plus anciennes d'usage de l'internet», écrivait récemment Hu Yong, auteur de plusieurs livres sur l'internet en Chine.

Le nombre de comptes ouverts sur les sites de microblogage va atteindre 400 millions d'ici trois ans grâce à l'augmentation de la population des internautes chinois, prédit le DCCI. Début septembre, Twitter comptait dans le monde pour sa part 145 millions d'utilisateurs.

Selon une enquête récente, 90% des internautes chinois de moins de 40 ans utilisent les microblogues, la plupart du temps pour parler spectacles, modes de vie ou vendre des produits.

Mais certains microblogues en Chine ont une portée plus politique.

En juillet, un journaliste accusé de diffamation pour avoir mis au jour un cas de corruption présumé dans une société cotée en Bourse a mobilisé des milliers de microblogueurs qui ont clamé son innocence et dénoncé la volonté des autorités d'étouffer l'affaire.

Face à la pression de l'opinion publique, la police a finalement renoncé à arrêter Qiu Ziming, de l'hedomadaire Economic Observer.

Des rumeurs ont également circulé sur les microblogues quant à un possible conflit entre le chef de l'État Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao, après des remarques de ce dernier sur la nécessité d'une réforme politique.

De leur côté, les autorités cherchent à utiliser les microblogues à leur avantage. Des institutions gouvernementales, comme la police de Pékin, ont ouvert des comptes.

Les microblogues ne présentent pas de risque imminent pour le régime communiste, selon les experts. Ils «ne sont pas assez révolutionnaires pour redéfinir les règles du jeu. Le gouvernement peut simplement embaucher plus de censeurs», estime Jeremy Goldkorn, rédacteur en chef du site Danwei.org, spécialisé sur les médias chinois.