En faisant de la géolocalisation un pilier de leur développement, les géants de l'internet que sont Google et Facebook jouent dangereusement avec la vie privée des internautes, s'alarment experts et ONG.

C'est la dernière tendance high tech: offrir toujours plus de services aux «mobinautes», ces internautes en déplacement connectés à la Toile grâce à leur téléphone multifonctions permettant de repérer à quelques mètres près l'endroit où ils se trouvent par satellite.

Mais ils comportent «des risques sur la protection de la vie privée qui peuvent être absolument immenses», explique à l'AFP Alain Pannetrat, expert en technologies de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), organisme indépendant de protection de la vie privée en France.

«Imaginez qu'on pourra vous dire dans un an: «vous étiez dans tel endroit, à proximité de telle personne!»», ajoute-t-il.

D'autant plus que la durée de conservation des données privées par des mastodontes comme Facebook (500 millions de membres dans le monde) ou Google (90% des recherches sur internet en France) n'est pas définie par la loi.

Pour combler ce vide juridique, la Cnil, qui a reçu 73 plaintes de particuliers concernant Google et 53 concernant Facebook depuis 2008, a constitué un groupe de travail sur la question.

Celle-ci risque en effet de devenir encore plus brûlante avec la généralisation de la géolocalisation, alors que jusqu'ici les plaintes portaient surtout sur la difficulté pour supprimer un compte ou une photo, ou sur une usurpation d'identité.

L'endroit où se trouve l'internaute est ainsi au coeur d'une nouvelle fonctionnalité de Facebook, lancée cette semaine aux Etats-Unis, et qui devrait être étendue «bientôt» à d'autres pays.

«Facebook Places» (Lieux) permet à ses membres d'indiquer d'un simple clic sur leur téléphone portable où ils se trouvent, de repérer leurs amis dans les parages, et de s'enregistrer sur les pages de bars, restaurants, magasins...

Google avait déjà inventé un dispositif similaire intitulé Google Latitudes. La géolocalisation explique aussi le succès de son service de cartes photographiques en 3D Street View, consultable depuis le téléphone portable et sur internet. Ce dernier a été très critiqué car des données privées d'internautes connectés à des réseaux wifi avaient été enregistrées par Google pendant la collecte de ces images.

«Savoir où sont vos amis (...) peut être utile dans la vie de tous les jours, mais le réel but est de faire de l'argent en vendant des publicités !», dénonce Jérôme Thorel, représentant en France de l'ONG Privacy International.

De fait, la géolocalisation ouvre aux géants de l'internet le gigantesque marché de la publicité numérique à la fois ciblée et locale, qui concurrencera directement les services de petites annonces et a été estimé à près de 15 milliards de dollars en 2010 rien que pour les Etats-Unis par le cabinet Borrell.

Gratuit pour ses membres, «Facebook a un seul moyen de gagner de l'argent, c'est la publicité ciblée», explique aussi M. Pannetrat, soulignant que «leur intérêt économique est d'obtenir un maximum d'informations sur leurs utilisateurs» afin de proposer «une pub sur mesure».

Google, «l'entreprise qui détient le plus d'informations sur les individus» aujourd'hui, construit lui au jour le jour le profil des internautes en suivant leur navigation à l'aide de cookies, rappelle M. Pannetrat.

L'endroit où ils se trouvent, qu'ils projettent de visiter, et le paysage qui pique leur curiosité sont donc autant de renseignements que Google --qui a réalisé en 2009 23 milliards de dollars de revenus publicitaires-- pourra exploiter en faveur des annonceurs.