Après une perquisition dans ses locaux en Corée du Sud et une levée de boucliers à l'annonce de son lancement en Allemagne, le logiciel de navigation Google Street View refait parler de lui ces jours-ci, sur fond d'inquiétudes pour le respect de la vie privée.

Les images proposées par Street View sur Google Map avaient suscité la controverse dès le lancement du projet il y a trois ans.

Google a alors envoyé des équipes, en voiture ou en vélo, armées d'appareils photo et de GPS pour photographier les rues des grandes villes et proposer les images sur son service de cartographie en ligne.

Mais certains se sont plaint du fait que les visages étaient reconnaissables sur les photographies, ce qui pouvait mettre dans l'embarras des personnes prises dans des situations compromettantes.

D'autres ont souligné que les numéros des plaques d'immatriculation pouvaient être utilisées pour identifier les habitants de certaines rues.

«Street View est un service qui collecte et pérennise une information qui était autrefois éphémère», souligne John Verdi, du l'Electronic Privacy Information Center, qui défend les droits à la vie privée sur internet.

«Marcher ou conduire sa voiture dans une rue a toujours été un acte public, mais le fait de placer cette information dans une base de données et de la rendre accessible soulève des questions relatives au respect de la vie privée», explique-t-il.

Google s'est adapté pour répondre à ces inquiétudes en floutant les visages et les plaques d'immatriculation.

Mais cette année, la polémique a redémarré de plus belle après des révélations de Google selon lesquelles ses véhicules Street View avaient enregistré «par erreur» non seulement des photographies, mais aussi des communications issues de réseaux wifi non sécurisés.

Le géant d'Internet s'est excusé à plusieurs reprises pour cette saisie de données privées (courriels, vidéos notamment), mais les autorités d'une dizaine de pays ont ouvert des enquêtes.

C'est ainsi que mardi, les locaux de Google en Corée du Sud ont été perquisitionnés par la police qui a saisi des disques durs.

Mais le fait que des gouvernements saisissent à leur tour les données personnelles collectées par Google pourrait aggraver le problème en «créant des situations à risque pour les militants des droits de l'homme, les dissidents ou les blogueurs qui luttent pour leurs droits», souligne Katitza Rodriguez, de l'Electronic Frontier Foundation.

Robe Enderle, un spécialiste de la Silicon Valley, pense qu'à travers cette collecte de données, Google a peut-être voulu offrir un service à ses utilisateurs en leur signalant les endroits où le wifi était accessible. «Dire aux gens où ils peuvent avoir accès librement à internet depuis la rue ressemble beaucoup à quelque chose que ferait Google», dit-il.

Mais des escrocs pourraient profiter de zones wifi pour voler des identités électroniques, de la même façon que des voleurs traditionnels profitent des maisons laissées ouvertes, souligne-t-il.

En Allemagne, où le lancement de Street View a été annoncé avant la fin de l'année et où la sensibilité des citoyens au respect de la vie privé est particulièrement élevée, les particuliers pourront s'opposer à la publication des images de leur domicile.

«Google Street View est un formidable outil, par exemple pour les touristes qui veulent en savoir plus sur les lieux qu'ils visitent», résume Katitza Rodriguez. «Néanmoins, la technologie de Google est trop envahissante et va trop loin. Nous recherchons un certain degré d'anonymat lorsque nous nous promenons dans la rue».