Les policiers français appelés le 21 juillet à évacuer les 150 personnes qui campaient au pied d'une vétuste tour à logements de la Courneuve, en banlieue parisienne, n'y sont pas allés de main morte.

Une vidéo de l'intervention montre une femme d'origine africaine qui se fait tirer par les pieds, son enfant coincé entre son dos et le bitume. On voit aussi une femme enceinte apparemment inconsciente, la chemise relevée, entourée de policiers, et une troisième qui se débat tandis que les agents tentent de lui arracher son petit garçon, totalement paniqué.

L'organisation Droit au logement (DAL), qui défend les personnes évacuées, estime que les autorités françaises ont «franchi un nouveau palier dans la répression» à cette occasion.

Mais l'affaire a bien failli ne recevoir aucun écho dans les médias du pays. Au lendemain de l'opération, seul un quotidien parisien en a parlé. Citée dans l'article, la préfecture de police déclare que l'évacuation s'est déroulée «plutôt dans le calme».

Il faudra attendre une dizaine de jours, et la diffusion de la vidéo sur le web, pour que la machine s'emballe. Les images ont été captées par un militant du DAL dont la caméra a été cassée par les agents. Il a mis une semaine pour les récupérer et consulter les victimes avant de tout mettre en ligne.

À la fin de la semaine, la vidéo avait été vue plus de 500 000 fois sur le site de partage Dailymotion. Plusieurs grands médias internationaux l'ont reprise, plaçant les autorités locales sur la défensive. La préfecture maintient que tout a été fait «dans les règles». Le DAL exige une enquête déontologique.

Mais la vidéo alimente aussi depuis quelques jours une controverse sur la manipulation médiatique. Sur le forum d'Arrêt sur images, un site consacré à l'analyse des médias, Billy Tallec, ex-cadre de la Ville de Paris responsable du logement, s'en prend au DAL, qu'il accuse d'avoir «provoqué la scène» pour pouvoir l'utiliser ensuite.

Les personnes ciblées avaient été évacuées quelques semaines plus tôt de la tour à logements, qu'elles occupaient illégalement, en vue de permettre sa destruction et la réalisation d'un projet de revalorisation urbaine. Elles s'étaient ensuite installées au pied de l'immeuble, sur la chaussée, refusant de partir sans avoir l'assurance de se voir offrir un logement durable ailleurs.

«Ils recherchent l'instrumentalisation médiatique, dit M. Tallec. Quoi de plus vendeur que des images spectaculaires de femmes bousculées et de cris d'enfants?» Les médias, dit-il, «tombent allègrement dans le panneau et jouent le jeu au premier degré» sans même chercher à clarifier les circonstances ayant mené à l'intervention policière.

L'auteur de la vidéo, loin de cautionner l'idée d'une manipulation, a expliqué il y a quelques jours au Parisien qu'il souhaitait montrer par sa diffusion le «degré de violence utilisé face aux mal-logés» en France.