Il ne porte ni lunettes, ni queue de cheval. Il n'a rien du hacker type, sauf un pseudonyme de science-fiction bien du métier: Neo.

Agé de 31 ans, marié, bien rasé, vêtu d'une chemise soignée boutonnée jusqu'au col, le Letton Ilmars Poikans, a expliqué aux journalistes pourquoi il avait publié sur l'internet les revenus de hauts fonctionnaires de l'État.La publication de ces données censées révéler des inégalités criantes dans la politique d'austérité prônée par les autorités d'un pays frappé de plein fouet par la crise mondiale a embarrassé les élites politiques.

Piégé la semaine dernière, après avoir pendant deux mois divulgué au compte-gouttes sur le site de socialisation et de microblogage Twitter des données du fisc, ce chercheur en intelligence artificielle de l'Université de Lettonie, à Riga, risque 10 ans de prison.

Mais il garde la tête haute et se définit comme un simple partisan de la transparence.

«Je savais que, tôt ou tard, la police allait mettre la main sur moi. Mais pourquoi devrais-je avoir peur de publier ce que les gens ont besoin de savoir?», a-t-il déclaré lors de sa première rencontre avec la presse depuis son interpellation le 11 mai et sa libération le lendemain.

Il a expliqué être tombé par hasard sur une lacune du site du fisc letton qui lui a permis d'en importer des millions de documents divers.

Son interpellation a éveillé des protestations et des inquiétudes pour la liberté de la presse après que la police eut perquisitionné l'appartement d'une journaliste pour tenter d'y trouver des informations sur le hacker.

Entre février et avril, Neo a publié les salaires de hauts responsables ainsi que les primes de départ de hauts fonctionnaires, en contraste flagrant avec les coupes douloureuses infligées aux budgets de la plupart des Lettons.

Selon le politologue Nils Muiznieks, Poikans a touché une corde sensible dans ce pays où la confiance en la classe politique est déjà au plus bas. «Il a agi non pas pour des motifs matériels mais par idéalisme», estime-t-il.

Les médias lettons ont baptisé Poikans «Robin des Bois».

Médias et opposition ont appelé la ministre de l'Intérieur Linda Murniece à démissionner, notamment pour avoir défendu la perquisition policière chez la journaliste, menée avant même d'avoir été autorisée par la justice.

Mme Murniece a dénoncé des tentatives de faire de Poikans un héros. Selon elle, le hacker a volé aussi des données fiscales de personnes et de sociétés privées.

«La réalité est bien différente de l'image diffusée par la presse d'un bon Robin des Bois qui veut réellement sauver le monde», a-t-elle déclaré à la radio lettonne.

Poikans affirme avoir remis à la police tous les documents et ne pas en avoir gardé de copies.

Il dit avoir découvert la lacune l'été dernier quand il tentait de consulter un document fiscal auquel son comptable avait lui pu accéder. Il a découvert qu'une simple opération «copier/coller» de l'adresse internet du document sur un moteur de recherche lui en ouvrait l'accès sans codes d'autorisation et a procédé de même avec d'autres.

Poikans a inventé alors une «Quatrième armée du réveil national» pour revendiquer son action. Il a adopté aussi le pseudonyme «Neo», inspiré par le héros de la trilogie cinématographique The Matrix.

Il a décidé de ne pas révéler sa découverte au fisc, estimant qu'il fallait apprendre une leçon aux autorités.

Avec succès, semble-t-il. Le président Valdis Zatlers a dès le début des fuites ordonné un test de sécurité pour toutes les bases de données officielles.

La semaine dernière, le Parlement a adopté une loi obligeant notamment les institutions gouvernementales à publier les salaires de différentes catégories de fonctionnaires.