France Télécom, Vodafone, Google: opérateurs et acteurs du web ont débattu mardi à Paris de l'intérêt de maintenir un accès à la même vitesse à tous les sites face au risque de saturation du réseau, un sujet sur lequel le gouvernement français pourrait légiférer.

«Tout doit être fait pour s'assurer que la neutralité d'internet (l'égal accès à tous les sites, NDLR) reste le socle d'internet, son terreau», a prévenu la secrétaire d'État au Numérique Nathalie Kosciusko-Morizet lors du colloque de l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep), sans pour autant «trancher» pour l'instant la question.

Mais elle a admis que «le succès d'internet créait des défis qui, s'ils n'étaient pas relevés, pouvaient mettre en danger internet lui-même».

Principale préoccupation, l'explosion des contenus gloutons en bande passante, en premier lieu les vidéos.

«En 2008, 72% du trafic sur internet était constitué essentiellement de vidéos, qui généraient 8% des revenus», a expliqué Matthew Kirk, directeur des affaires extérieures de Vodafone.

Derrière ces usages, «il n'y a pas de magie, il y a les réseaux», a souligné le directeur général de France Télécom Stéphane Richard, notant qu'«internet, c'est d'abord et avant tout une question d'investissement» par les opérateurs.

Ces derniers veulent donc muscler leurs réseaux, par exemple en déployant la fibre optique, un effort financier auquel ils aimeraient faire participer les géants de l'internet comme Google ou Facebook.

«On ne peut pas mettre des capacités sans cesse plus importantes à disposition de quelques groupes américains sans qu'ils contribuent à quoi que ce soit», a jugé Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad (Free).

Pourtant, «il n'est pas tout à fait juste de dire que les fournisseurs de contenus sont des passagers clandestins», note Yves Gassot, directeur général de l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe).

«Nous payons des sommes importantes tous les mois pour accéder au réseau internet», renchérit Martin Rogard, directeur France de Dailymotion, des montants visiblement insuffisants aux yeux des opérateurs.

Autre option envisagée par ces derniers: réguler le trafic, avec un accès plus ou moins rapide selon les sites ou les heures, pour éviter que le réseau sature.

Rappelant que le numérique représentait 6,5% du PIB mondial en 2008, une part qui grimpera à 20% d'ici 10 ans, Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep, a mis en garde contre une panne d'internet qui, selon lui, «conduirait à un déréglement général de l'économie et de la société».

«Il faut laisser aux opérateurs la possibilité, dans le cadre d'offres transparentes, de segmenter le marché», estime Emmanuel Forest, directeur général délégué de Bouygues Telecom. Avec des débits plus rapides, facturés plus chers, pour ceux qui passent leur temps à regarder des vidéos et un accès plus lent pour ceux qui ne consultent que leurs mails.

Une idée que semble accepter Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, chargée de la stratégie numérique, à condition que les clients soient «clairement informés des limitations de trafic en vigueur».

Mme Kosciusko-Morizet, qui reconnaît que «les opérateurs doivent pouvoir gérer les pics de trafic», ne s'interdit pas «des évolutions législatives» dans ce domaine, refusant de croire qu'«une intervention de l'Etat est inutile ou illégitime» face à un internet mondialisé.

Alors qu'une consultation publique est lancée sur ce thème, la ministre rendra ses conclusions en juin dans un rapport remis au Parlement.