La Chine et les États-Unis ne sont pas prêts à partir en guerre au sujet de Google, qui a de facto fermé son moteur de recherche en Chine, à un moment où les relations bilatérales sont éprouvées par plusieurs gros contentieux.

Le yuan, les ventes d'armes américaines à Taiwan et la récente rencontre aux États-Unis entre le président Barack Obama et le dalaï lama, que Pékin accuse de chercher l'indépendance du Tibet, sont plus importants que le dossier Google, selon des analystes. Pékin considère d'ailleurs que ces deux dernières questions touchent à sa souveraineté même.

«Google est bien peu comparé à ces questions que la Chine considère comme relevant de ses intérêts fondamentaux», juge Barry Sautman, professeur de sciences sociales à la Hong Kong University of Science and Technology.

«Cela a une certaine portée symbolique en terme de rivalité idéologique entre les États-Unis et la Chine, mais pas plus», ajoute-t-il.

Si la décision de Google annoncée lundi a d'abord provoqué une vive réaction de Pékin, qui a accusé le groupe américain de violer «une promesse écrite», un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a apaisé les débats, en écartant tout impact sur les relations bilatérales, à moins, a-t-il dit, qu'il n'existe une volonté de «politiser» le dossier.

Washington a pour sa part invité la Chine à réfléchir aux «implications» économiques de la décision de Google, tout en soulignant que l'administration Obama n'avait pas pris part à celle-ci.

«Ils essaient de donner une réponse mesurée --ce n'est en aucun cas une question politique qui devrait impliquer les deux gouvernements», affirme Bob Broadfoot, responsable du Political and Economic Risk Consultancy, une entreprise de conseils.

«La question de Google n'est pas considérée comme étant au même niveau que Taiwan, le dalaï lama, le taux de change, qui sont des sujets sur lesquels se concentrent les deux gouvernements», dit-il.

En janvier, Google s'était déclaré excédé par des attaques informatiques visant son code source et la messagerie Gmail de militants chinois des droits de l'homme, prévenant qu'il prévoyait de cesser de censurer les résultats de son moteur de recherche.

Peu après, la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait érigé les États-Unis en gardiens de la liberté d'expression sur l'internet et invité les entreprises à refuser la censure.

Mais les ventes d'armes à Taiwan, puis la rencontre entre M. Obama et le dalaï lama ont éclipsé le dossier Google, alors que Washington renforçait la pression sur le yuan, accusant Pékin de le maintenir sous-évalué pour favoriser les exportations chinoises.

Car la censure, raison avancée par Google pour expliquer sa décision, n'est pas un sujet majeur des relations bilatérales, relève Sautman.

«Les gens réalisent que la censure va être en place encore longtemps, au moins par rapport aux questions les plus sensibles», dit-il.

Pour Russell Leigh Moses, un analyste politique basé à Pékin, les réactions mesurées de Pékin et Washington montrent surtout que les deux capitales n'ont pas de ligne claire sur la marche à suivre.

«Je ne crois pas qu'aucun des deux gouvernements ait pris une décision ferme et rapide sur la manière dont cela va avoir un impact sur leurs relations en général», estime-t-il.

Lundi, avant l'annonce de la décision de Google, le Premier ministre chinois Wen Jiabao avait affirmé, devant un parterre d'hommes d'affaires étrangers, être confiant dans la capacité de Pékin et Washington à surmonter leurs divergences.

Et, mardi, la Chine a annoncé que la prochaine session du Dialogue économique et stratégique sino-américain se tiendrait fin mai à Pékin.