La Chine a dénoncé mardi la décision de Google de rediriger les internautes chinois vers la version hongkongaise de son moteur de recherche pour s'affranchir de son obligation de censurer les résultats.

Les autorités chinoises ont pris le relais, bloquant les sites jugés inacceptables par le régime, notamment ceux ayant trait aux droits de l'Homme. 

Après deux mois de menaces et d'intimidation de part et d'autre, le changement a été annoncé mardi matin, heure chinoise. Il n'assure toutefois pas aux internautes chinois un accès totalement libre à l'internet. Il reporte simplement la responsabilité de la censure sur le gouvernement chinois dont les filtres, connus sous le nom de Grand Pare-feu, bloquent automatiquement les contenus jugés pornographiques ou politiquement sensibles.

Pékin a rapidement réagi, accusant Google d'avoir rompu l'engagement de respecter les lois locales pris en 2006.

«Google a violé la promesse écrite qu'il avait faite en entrant sur le marché chinois, en cessant de filtrer ses services de recherche et en insinuant que la Chine était responsable de piratages présumés», a déclaré l'Office de l'information du conseil d'État, agence chargée de la surveillance de l'internet, dans un communiqué. «Nous sommes opposés, de manière intransigeante, à la politisation des questions commerciales, et nous exprimons notre mécontentement et notre indignation à Google pour ses accusations et son comportement irresponsables».

La décision de Google n'est toutefois qu'un retrait partiel. Le géant américain de l'Internet a en effet décidé de maintenir pour le moment en Chine ses divisions ventes et recherche, ainsi que ses services de cartographie et de messagerie Gmail, et son portail musical gratuit. «C'est de l'équilibrisme. Ils essaient de partir sans partir, de rester sans rester», explique Duncan Clark, directeur de BDA China, une entreprise de recherches sur le marché des technologies.

Une porte-parole de Google, Jessica Powell, a expliqué mardi que des «ajustements» des effectifs du groupe, qui emploie environ 600 personnes en Chine, n'étaient pas exclus. «Nous n'avons pas encore réglé tous les détails, donc nous ne pouvons pas exclure de nous séparer d'employés, mais nous souhaitons vraiment éviter cela», a-t-elle assuré à l'issue d'une réunion des salariés au siège de Google Chine, dans le nord de Pékin. «La présence de la division ventes pourrait dépendre dans une certaine mesure du succès de google.com.hk», la version hongkongaise de Google en chinois.

La stratégie du groupe laisse en revanche la version hongkongaise de son moteur de recherche vulnérable à un blocage total de la part des autorités chinoises, comme c'est déjà le cas en Chine continentale pour Facebook, Twitter et Youtube. La société de Mountain View, en Californie, pourrait également voir ses activités restantes perturbées par un gouvernement de Pékin très remonté.

Le différend entre Google et les autorités chinoises a débuté le 12 janvier dernier, lorsque le groupe a annoncé qu'il cesserait de se plier aux règles de censure chinoise après avoir découvert que des hackers avaient piraté des comptes de courrier électronique hébergés par Google et appartenant notamment à des militants chinois des droits de l'Homme.

L'épisode ajoute au climat déjà tendu entre les États-Unis et la Chine, irritée notamment par une récente vente d'armes américaines à Taïwan et la réception du dalaï lama par le président Barack Obama. Mardi, le ministère chinois des Affaires étrangères a tenté de minimiser ces frictions.

«L'incident Google est seulement l'acte isolé d'une société commerciale, et je ne vois pas d'impact sur les relations entre la Chine et les États-Unis, à moins que quelqu'un ne souhaite politiser la situation», a déclaré le porte-parole Qin Gang.

Certains groupes chinois proches de la ligne officielle pourraient en revanche décider de rompre les liens avec Google. TOM Online, une compagnie Internet contrôlée par le magnat de Hong Kong Li Ka-shing, a ainsi annoncé mardi qu'elle cessait sa collaboration avec le groupe américain, disant adhérer «aux lois de la Chine».