La décision de Google de transférer à Hong Kong son moteur de recherches en chinois pourrait constituer un frein au développement de l'internet en Chine continentale et isoler la plus grande communauté d'internautes au monde du reste de la Toile.

Le géant américain est le seul acteur étranger présent sur le marché des moteurs de recherches en Chine et sa décision, qui laisse la place aux seules sociétés chinoises, pourrait se traduire par moins de concurrence et, par conséquent, moins d'innovation, selon certains analystes.

«C'est un pas de plus vers le "Chinternet", c'est-à-dire l'internet chinois qui ressemble de plus en plus à un intranet», remarque Jeremy Goldkorn, responsable du site Danwei.org et analyste basé à Pékin des médias et de la Toile.

Google a annoncé lundi la fin de fait de son moteur de recherches en chinois sur le continent, précisant que ses usagers seraient redirigés vers son site de Hong Kong.

L'ancienne colonie britannique est revenue dans le giron chinois en 1997, mais elle bénéficie d'un statut spécial et ne censure pas l'internet.

«En fait, il n'y a pas une grande différence en ce qui concerne l'accès à l'information», juge toutefois Shaun Rein, responsable de China Market Research Group à Shanghai.

«Quand (les internautes chinois) cliquent sur des liens sensibles, ils sont censurés» par la "Grande Muraille de la censure"», ajoute Shaun Rein.

Fin 2009, le moteur de recherches chinois Baidu détenait 58,4% de parts de marché contre 35,6% pour Google, selon Analysys International.

Venait ensuite Sogou, géré par le portail chinois Sohu, très loin, avec seulement 1%.

Pour nombre d'analystes, Google a joué un rôle important en Chine depuis son arrivée en 2006 et son départ devrait se faire sentir.

«Google a réalisé de grandes choses ici -- il a montré la voie pour les recherches sur l'internet, même s'il était loin de Baidu», juge David Wolf, un des responsables à Pékin de Wolf Group Asia, une société de conseils.

Le transfert vers Hong Kong, plutôt que vers les États-Unis, donnera la possibilité au groupe de fournir une meilleure qualité de service, tout en lui permettant de rassurer ses actionnaires et les publicitaires sur la poursuite des activités en Chine, selon les analystes.

«Ils veulent donner l'impression aux gens qu'ils sont toujours en Chine», dit Wolf.

Le co-fondateur de Google, Sergey Brin, a indiqué au New York Times que pour le géant américain, qui était engagé dans des discussions avec Pékin, «il y avait le sentiment que Hong Kong était la bonne décision».

«Il y a un manque de clarté certain», a-t-il toutefois dit.

«Nous espérons que ce nouveau service à Hong Kong continuera à être disponible en Chine continentale», a-t-il ajouté, précisant: «L'histoire n'est pas encore finie».

Pour les experts, l'avenir de Google sur le marché chinois, avec ses près de 400 millions d'internautes, reste très incertain.

Le gouvernement chinois pourrait faire payer au groupe ses décisions en bloquant le site de Hong Kong sur le continent.

«J'ai du mal à croire que certaines branches du gouvernement ne seront pas extrêmement mécontentes», dit Goldkorn.

«Ils pourraient vraiment devoir partir définitivement», juge-t-il.

«Cela signifierait alors que les internautes chinois seront de plus en plus coupés du reste du monde», affirme de son côté Rein.