L'accord conclu en 2008 par Google avec des éditeurs et des auteurs pour la mise en ligne de millions de livres a suscité louanges et critiques jeudi dans un tribunal new-yorkais, chargé de trancher sur sa légalité.

Le juge fédéral Denny Chin, qui doit établir si cet accord est «juste», a prévenu d'entrée qu'il n'entendait pas trancher la question le jour même, préférant garder «un esprit ouvert» pour «digérer» tous les arguments.

Avant d'entendre les principales parties prenantes à l'accord, Google et les associations d'éditeurs et d'auteurs, ainsi que les arguments du ministère de la Justice, qui est contre, le juge a laissé s'exprimer cinq partisans et une vingtaine d'organisations qui y sont opposées.

«Beaucoup de nos livres tombent en miettes», a souligné le doyen des bibliothèques de l'Université du Michigan, Paul Courant - l'alternative au projet Google, selon lui, c'est «le statu quo et beaucoup de grandes oeuvres ne peuvent pas être lues».

Le président de la fédération américaine des aveugles, Mark Maury, a expliqué que Google devait pouvoir mener à bien son projet pour «donner accès à dix millions de livres» aux non-voyants, grâce à la lecture sur ordinateur par des voix de synthèse. «Accéder à la boutique des idées est essentiel pour participer à une société libre», a ajouté M. Maury, qui était venu accompagné de plusieurs dizaines de non-voyants.

La concurrence rendue difficile

Parallèlement à l'audience, l'«Alliance pour un livre ouvert», regroupant des concurrents de Google opposés à l'accord comme Amazon, Microsoft et Yahoo!, faisait valoir que «Google a obtenu de facto une licence exclusive qui lui donnera un énorme avantage par rapport aux autres moteurs de recherche, non par la voie des forces normales du marché, mais en raison du mépris de Google pour les droits d'auteurs et de ses tentatives de manipuler le processus judiciaire».

A l'audience, un juriste de Microsoft, Tom Rubin, a fait valoir que l'accord en l'état laissait Google «exploiter pour son bénéfice virtuellement tous les livres publiés depuis 1923», et lui donnerait accès à «tout le corpus d'oeuvres orphelines», dont les ayant droits ne sont pas identifiés: «ça ne facilite pas la concurrence».

Au coeur du débat, le projet Google Books, né de l'idée de «créer une base de données en ligne de tous les livres du monde». Pour solder des poursuites intentées en 2005 par le syndicat des Auteurs et l'Association des éditeurs américain (AAP), Google avait conclu un accord prévoyant le versement de 45 millions de dollars pour dédommager les auteurs et éditeurs dont les oeuvres auraient été numérisées sans autorisation, et établissant un fonds doté de 30 millions de dollars pour rémunérer les ayant-droits acceptant que leurs livres soient numérisés.

Un accord «illogique, injuste et discriminatoire»

Les principaux éditeurs français, rassemblés au sein du Syndicat français de l'édition (SNE), ont déjà fait valoir auprès du juge que cet accord était «illogique, injuste et discriminatoire». Ils préfèreraient qu'il «soit limité aux éditeurs américains, avec la possibilité pour les autres de s'engager s'ils le souhaitent».

A l'audience, l'assocation Electronic Frontier Foundation a regretté l'absence de garanties sur la confidentialité, estimant que Google Books donnerait au groupe des moyens «sans précédent» pour surveiller les habitudes de lecture des internautes.

En soi, l'intérêt du projet n'est pas contesté par l'administration américaine pour qui il y a potentiellement «d'importants avantages pour la société».

Google a déjà numérisé 12 millions de livres.