L'Europe veut mettre sa législation sur la protection des données privées à l'heure d'Internet, une menace potentielle pour les services en ligne tels Facebook où on étale sa vie sans toujours en maîtriser les conséquences.

La commissaire européenne Viviane Reding, qui s'apprête à troquer le portefeuille des nouvelles technologies contre celui de la justice, a annoncé cette semaine une révision prochaine de l'actuelle directive (loi) européenne sur la protection des données.

Celle-ci date de 1995, avant l'essor d'Internet. Et depuis «le monde a changé», a souligné la commissaire, évoquant notamment les réseaux sociaux tel Facebook ou le profilage des internautes à des fins publicitaires.

La protection de la vie privée est particulièrement sensible pour les Européens, en conflit depuis des années avec les États-Unis pour obtenir davantage de contrôle des données collectées pour lutter contre le terrorisme.

Ils ont ainsi obtenu que des géants de l'Internet comme Google, Yahoo! ou Microsoft réduisent la durée de stockage de certaines informations.

L'un des dirigeants de Microsoft, Brad Smith, vient lui-même de prôner à Bruxelles «un cadre avancé de protection des données privées et de sécurité, qui soit davantage en ligne avec l'évolution de l'usage de l'informatique mais aussi des interactions entre les personnes».

Il y voit un préalable à l'essor de l'informatique de demain «dans les nuages» («cloud computing»), un concept où logiciels et données seraient hébergés quelque part sur la Toile et plus sur un ordinateur local.

Des règles claires pourraient aussi éviter des polémiques comme celles suscitées par le programme «Street View» -- pour lequel Google photographie des villes entières au grand dam de leurs habitants-- ou par chaque modification des réglages de confidentialité de Facebook.

Le commissariat à la vie privée du Canada a encore ouvert mercredi une enquête sur le réseau social, en butte aux critiques depuis qu'il a décidé en décembre de ne plus permettre à ses utilisateurs de cacher certaines informations: photo du profil, liste d'amis, intérêts et opinions manifestés en devenant fan ou membre de certains groupes sur le réseau.

Les autres paramètres par défaut, que beaucoup ne pensent pas à changer, sont aussi jugés trop laxistes.

Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, s'est défendu courant janvier en invoquant une évolution de la «norme sociale» sur la vie privée.

«Dans les dernières cinq ou six années, les blogs et tous les services permettant aux gens de partager des informations ont décollé. Les gens sont vraiment à l'aise pour partager non seulement plus d'informations, mais aussi de manière plus ouverte et avec plus de gens», affirmait-il.

Résultat: une recherche sur Internet permet d'obtenir des informations très personnelles. Un petit magazine l'a démontré récemment avec un «portrait Google» retraçant la vie d'un parfait inconnu grâce aux traces laissées sur la toile.

Au-delà de l'anecdote, les dangers sont réels. L'institut Cross-Tab vient de publier une enquête auprès de spécialistes du recrutement montrant le rôle croissant de la «réputation en ligne» dans leurs choix.

En France, 14% disent avoir déjà refusé un candidat à cause d'informations trouvées sur Internet, en Allemagne 16%. La proportion atteint 41% en Grande-Bretagne et même 70% aux États-Unis.

Parmi les données déterminantes, ils citent des commentaires, photos ou vidéos «inappropriés», ou des inquiétudes sur le style de vie du candidat. Et les recruteurs recherchent même parfois, notent les auteurs de l'étude, «des informations qu'il serait peu éthique, voire illégal de demander à un candidat de fournir».