Les dissidents chinois et des organisations de défense des droits de l'Homme se sont déclarés satisfaits de la menace du géant de l'internet Google de cesser ses activités en Chine, mais certains y voient surtout une opération de relations publiques.

«Certaines sociétés occidentales pensaient qu'en passant des compromis avec le régime communiste chinois elles pourraient faire leurs affaires comme elles le voulaient. Mais c'est impossible, parce que le gouvernement chinois ne peut pas être satisfait», a déclaré à l'AFP le dissident Wei Jingshen, qui vit en exil aux États-Unis après 18 ans de prison en Chine.

«Sous la pression internationale, les milieux d'affaires se trouvent enfin une conscience», s'est encore réjoui M. Wei.

Le site de micro-blogs Twitter était rempli de témoignages et messages de satisfaction à la suite de l'annonce de Google mardi soir.

L'organisation Amnesty International a appelé d'autres sociétés de l'internet à imiter Google et «ne pas participer à la censure de l'internet» en Chine.

«Nous sommes heureux que les groupes internet internationaux réalisent enfin qu'ils ne peuvent pas s'accommoder de pays répressifs comme la Chine», a ajouté le directeur d'Amnesty International à Washington T. Kumar.

Au nom de Human Rights Watch, Arvind Ganesan a estimé que Google «montrait un très bon exemple», espérant que d'autres sociétés et d'autres gouvernements prendraient des mesures pour garantir les droits de l'Homme.

La devise officielle de Google est «Ne sois pas le mal». Elle avait valu au groupe fondé en 1998 d'être tourné en dérision quand il avait décidé de s'implanter en Chine en 2006.

«Quand Google a commencé à lancer un moteur de recherche filtré en Chine, la Fondation pour la liberté électronique (EFF) a été parmi les premiers à le critiquer», a rappelé un responsable de cette organisation, Danny O'Brien.

«Nous aimerions maintenant être parmi les premiers à féliciter Google pour sa prise de position courageuse et directe en faveur d'un version non censurée de son moteur de recherche en Chine», a ajouté M. O'Brien.

Parmi de rares sceptiques, Evgeny Morozov, enseignant à l'Université de Georgetown à Washington et éditorialiste au magazine Foreign Policy, se montrait plus dubitatif quant à la «sincérité» de Google.

«Google avait besoin de relations publiques positives pour enrayer la dégradation de son image - surtout en Europe où les inquiétudes montent quotidiennement sur les questions de confidentialité. (Le site chinois) Google.cn était l'agneau à sacrifier, car c'est ce qui génèrera le plus de titres positifs sans entraîner de dommages catastrophiques pour Google», estime M. Morozov.

Interrogé sur MSNBC, le directeur juridique de Google, David Drummond, a indiqué mardi soir que l'impact financier d'un éventuel retrait de Chine, où le moteur de recherche détenait à peu près le tiers du marché, loin derrière le Chinois Baidu, serait très limité.

Pour l'ex-analyste financier Henry Blodget, un dirigeant du site d'informations spécialisées Silicon Valley Insider, Google a au contraire pris «la bonne décision», et joué «brillamment» sa carte en bravant publiquement les autorités chinoises après avoir attendu d'atteindre une masse critique.

«La décision de Google de menacer publiquement maintenant (...) que la plupart des internautes chinois le connaissent, mettra bien plus de pression sur les autorités chinoises qu'un boycott n'aurait pu le faire il y a cinq ans», assuré M. Blodget.

Pour autant, M. Blodget a ajouté qu'il s'attendait à ce qu'un compromis soit trouvé permettant à Google de rester en Chine, où le chiffre d'affaires du géant de l'internet est évalué entre 250 et 300 millions de dollars par an.