Des éditeurs français ont remporté une victoire face à Google vendredi devant la justice, qui a interdit au géant américain de l'Internet de poursuivre la numérisation d'ouvrages sans leur autorisation et l'a condamné à 300 000 euros (450 000$) de dommages et intérêts.

Ce jugement, très attendu en France, mais aussi en Europe, où selon les éditeurs français il pourrait faire tache d'huile, met un coup d'arrêt à l'expansion de Google dans le pays. Objet du litige: le vaste programme lancé par le géant américain de l'Internet de numérisation de livres, conservés notamment dans de prestigieuses bibliothèques anglo-saxonnes, pour son projet de bibliothèque numérique universelle.

Au total, selon les estimations, Google aurait déjà numérisé 10 millions d'ouvrages dans le monde.

Le tribunal de grande instance de Paris a estimé qu'«en reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits d'ouvrages» sans l'autorisation des ayants-droit, «la société Google a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice» des éditeurs.

Les plaignants étaient le groupe La Martinière, qui contrôle les éditions du Seuil, et le Syndicat national de l'édition (SNE).

Le tribunal a «interdit à Google la poursuite de ces agissements sous astreinte de 10 000 euros (15 000$) par jour de retard». Google a un mois pour se mettre en conformité.

Par ailleurs, Google devra payer 300 000 euros (450 000$) de dommages et intérêts aux éditeurs du groupe La Martinière. Les éditeurs demandaient 15 millions d'euros (22.5 millions $) de dommages et intérêts.

Le groupe d'édition avait assigné le site en justice il y a trois ans, constatant que Google avait numérisé, sans son autorisation, des centaines d'ouvrages, et qu'il permettait aux internautes d'accéder à la reproduction complète des couvertures des ouvrages ainsi qu'à des extraits.

Si les éditeurs ont salué le jugement comme «une grande victoire pour le droit à la création», Google France a de son côté annoncé son intention de faire appel.

Le responsable juridique de Google France, Benjamin du Chaffaut, a souligné que la décision concerne «uniquement les ouvrages de La Martinière» et ne constitue pas «une injonction générale d'interdiction de référencer tous les ouvrages de tous les éditeurs».

Pour l'avocate du groupe, Me Alexandra Neri, le jugement «constitue deux pas en arrière pour les droits d'accès des internautes au patrimoine littéraire français et mondial» et «met la France en queue du peloton de l'Internet».

Lors de l'audience en septembre, l'avocat de La Martinière, Me Yann Colin, avait jugé la numérisation entreprise par Google de système «illégal, dangereux et dommageable aux éditeurs».

Google avait de son côté défendu le droit à l'information des utilisateurs et contesté la compétence de la justice française sur le dossier, la numérisation des livres ayant eu lieu aux États-Unis. Mais le tribunal a rejeté ces arguments et affirmé sa compétence.

Face aux projets de Google, le président français Nicolas Sarkozy avait annoncé lundi que la France consacrerait 750 millions d'euros à numériser les contenus de ses musées, de ses bibliothèques et de son patrimoine cinématographique. «Il n'est pas question de laisser ce patrimoine partir», avait-il prévenu.

La semaine précédente, le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, avait fait part au vice-président de Google, David Drummond, «de la préoccupation de la France devant les projets de l'entreprise américaine en matière de numérisation de livres».

Aux États-Unis, un juge doit examiner le 18 février un accord révisé entre Google et un regroupement d'auteurs et d'éditeurs américains.

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