Il y a quelques années, les médias et les gens qui s'intéressent aux nouvelles technologies n'en avaient que pour un site web : Second Life. Ce monde virtuel en trois dimensions était la saveur du jour et on lui prédisait un brillant avenir.

Plusieurs entreprises, dont IBM, Telus, et la BBC y ont ouvert des boutiques ou des bureaux virtuels. Les internautes s'y créaient un alter ego de pixels avec lequel ils pouvaient évoluer dans un univers monté de toutes pièces.

 

Mais dans les discussions, Second Life a depuis été surpassé par Facebook et Twitter. Les rares personnes qui en parlent encore aujourd'hui le font le plus souvent pour demander si le site existe toujours.

Christophe Mary sait que Second Life est encore sur les rails, mais il n'y va plus très souvent. Pourtant, le consultant en informatique était plus qu'enthousiaste quand il a découvert cet univers.

C'est à lui que l'on doit l'île consacrée au Québec dans Second Life, sur laquelle trônent un Château Frontenac et un Marché Bonsecours tout aussi numériques. Il a dû payer les pixels pour les bâtir.

«J'ai investi entre 4000$ et 5000$. Au moment où je l'ai fait, j'y croyais. Mais c'était un gouffre et je n'allais pas continuer à payer sans avoir de piste qui me faisait espérer un rendement», dit Christophe Mary.

L'entreprise derrière Second Life, Linden Lab, affirme que son monde virtuel se porte bien. Plus de 15 millions de personnes auraient fait une incursion dans cet univers depuis son lancement, en 2003.

Linden Lab soutient en outre que le nombre d'«utilisateurs actifs» de Second Life a augmenté de 25% depuis septembre 2008. Au Canada, le site a attiré 77 000 visiteurs uniques en octobre dernier, selon le cabinet comScore.

C'est peu. Mais c'est assez pour convaincre l'entreprise Telus d'y garder sa boutique virtuelle, inaugurée en août 2006. Les visiteurs peuvent notamment y acheter des téléphones cellulaires numériques et profiter de promotions, applicables dans la «vraie vie».

«On continue à avoir des visiteurs dans les boutiques et à développer des nouveautés dans Second Life, c'est une présence qu'on maintient», dit Stacey Masson, porte-parole de Telus.

Pour l'agence de presse Reuters, l'expérience a été moins concluante. Le correspondant qu'elle avait dépêché dans l'univers virtuel a été réassigné à des fonctions plus traditionnelles en octobre 2008, après deux ans passés à y travailler.

Récemment interrogé à ce sujet par la BBC, le journaliste Adam Pasick a admis que ce n'est «pas un sujet que Reuters aime revisiter».

Monde «vide» ou «ennuyant», plusieurs ont trouvé leur incursion dans Second Life décevante.

C'est le cas de Charles-André Després, qui s'y est aventuré avec son double virtuel après en avoir entendu parler maintes fois dans les médias.

«Il n'y a pas grand-chose à faire, dit le programmeur-analyste de 27 ans. On peut avoir un job virtuel et gagner de l'argent. Ce n'est pas intéressant, il n'y a rien de stimulant. J'ai trouvé de meilleurs moyens de passer mon temps.»

Cet amateur de jeux en ligne, dont World of Warcraft, a également été peu impressionné par les graphiques de Second Life.

«La plateforme commence à dater et ça paraît. L'utilisateur moyen qui arrive là-dessus voit que les graphiques sont un peu désuets», constate aussi Benoît Gagnon, un expert en sécurité informatique qui fréquente le monde virtuel pour alimenter ses recherches.

Il croit que l'avenir des mondes virtuels réside dans le mariage avec des jeux en ligne. «Comme la grande majorité des univers virtuels, Second Life va être appelé à mourir et ce sera remplacé par autre chose, dit-il. Je pense qu'on aura des univers virtuels qui vont offrir des activités autres que le clavardage, qui comprendront également un aspect de jeu.»

Bien qu'il ne soit presque plus présent sur Second Life, le créateur de l'île Québec croit encore que la plateforme ait un avenir.

«Je pense qu'il faut dire que Second Life est en attente, dit Christophe Mary. Ça peut remonter. Mais je ne crois pas que ce soit mort.»