La génération Net, la génération des natifs d'Internet, transforme le paysage de la société, des entreprises, du gouvernement et même l'exercice de la démocratie. Cette génération de jeunes de moins de 30 ans est la première de l'histoire à avoir plus de pouvoir que celle qui la précède.

Le monde devra s'adapter à un nouveau paradigme, affirme Don Tapscott, sommité internationale en matière de stratégie des technologies de l'information (TI), pendant sa conférence à la Journée de l'informatique du Québec, au Centre de Congrès, hier.

On traite à tort cette génération d'ignorante et de stupide, mais c'est tout le contraire. Elle forme le groupe le plus puissant parce qu'il redéfinit les rapports sociaux à tous les niveaux, avoue-t-il.

Si la génération de la télé a produit des gens passifs, celle de l'ordinateur a créé des êtres multitâches. Sur l'écran de l'ordinateur, il y a au moins trois fenêtres ouvertes pendant qu'ils écrivent des textos ou clavardent sur MSN en mettant à jour leur page Facebook. En plus, ils font leurs devoirs, s'amusent avec un jeu vidéo. Le téléviseur sert de bruit de fond.

Décrivant la structure familiale comme un organigramme linéaire avec son fossé entre générations, M. Tapscott montre le modèle en cercles concentriques qui a donné naissance à la génération Net, un modèle basé sur l'interaction et la participation. «C'est la génération la plus intelligente, dit-il. Les deux tiers du groupe réussissent mieux que les plus vieux. Si un tiers du groupe réussit mal, il ne faut pas accuser Internet, il y a d'autres raisons. Ce serait comme blâmer la bibliothèque d'être ignorant.»

Pour les natifs d'Internet, le courriel est une technologie trop formelle, voire dépassée. Ils ne lisent pas les journaux parce qu'il n'y a pas de liens cliquables; ce n'est pas interactif et ça ne bouge qu'une fois par jour. Ils ne regardent pas les bulletins de nouvelles pour les mêmes raisons. Mais ils sont informés. «Une jeune femme m'a dit : «J'ai 60 sources différentes avec les fils RSS». Les normes guidant cette génération sont la liberté de choix, la collaboration, la vitesse, l'innovation, l'intégrité. Ce sont des consommateurs, mais aussi des explorateurs.»

Repenser le travail

Au Canada, ils sont huit millions à envahir le marché du travail avec leur culture et leurs outils. Si on les enferme dans un cubicule en coupant Facebook et MSN en croyant qu'ils perdent leur temps, on coupe une source de motivation et tout un réseau d'information. Pour Don Tapscott, les entreprises doivent s'adapter à une nouvelle réalité. Ce n'est pas un problème technologique, mais un problème de conception du travail. Ces jeunes ne voient pas le monde de manière linéaire, mais circulaire comme un grand réseau d'interactions.

Même le marketing n'est pas adapté à leur vision du monde. Le positionnement du produit, le lieu d'achat, les promesses de ci ou de ça et le prix ne les atteint pas. Ils veulent une expérience de consommation, pas juste acheter.

Et les gouvernements font des portails statiques, alors que cette génération cherche une plateforme où les citoyens interagissent, dit M. Tapscott. Même la démocratie en prend pour son rhume, car le vote ne leur dit pas grand-chose à côté de l'influence de la participation active aux décisions. Pour eux, la démocratie vaut plus que le vote qui donne une majorité. C'est la participation à la vie publique en cours de mandat, au jour le jour, au travers des réseaux.