Un régime amaigrissant à base de baies d'açaï fait des ravages au Québec cet été. Des centaines de clients, qui ont commandé sur le web un échantillon gratuit de ce faux produit miracle, se sont fait siphonner jusqu'à 783$ par mois sur leur carte de crédit.

La campagne publicitaire fait rage sur Google, Facebook et de nombreux blogues. On y vante les mérites de l'Effective Colon Cleanse ainsi que du AcaiBerry Exclusive Detox, un produit à base de baies d'açai, un petit fruit pourpre qui pousse dans les palmiers au Brésil.

 

La semaine dernière, l'Association pour la santé publique du Québec a mis en garde le public contre ces produits qui prétendent faire perdre 20 livres en deux semaines.

«Faites comme 250 000 Québécois, utilisez la baie açaï et le nettoyeur de colon!» clame un site web qui offre un «essai de 14 jours GRATUIT pendant le mois d'août!» Le site laisse croire aux internautes qu'ils n'ont qu'à payer 5,95$ de frais postaux. Les victimes donnent leur numéro de carte de crédit, sans réaliser qu'elles consentent du même coup à recevoir le produit tous les mois.

«J'ai fait la commande en pensant que cela allait me coûter 5,95$», raconte Chantal, une cliente piégée. «Mais voilà que 15 jours plus tard, je reçois un courriel me disant que mon essai était terminé et que je devais payer 94$ pour 30 comprimés», dénonce la dame de Québec.

En général, les victimes, qui s'abonnent à plusieurs produits, se font dévorer 400 à 600$ par mois, selon l'Office de la protection du consommateur. L'OPC a même vu une facture de 783$ pour un seul mois!

La cybercampagne a suscité un flot inusité de plaintes à l'OPC, qui a ajouté une section spéciale sur les baies d'açaï, sur son site web, à la fin de juillet. La section a reçu jusqu'à 860 visiteurs par jour.

«La vague continue de déferler», déplore Gary Frost, directeur des services aux consommateurs à l'OPC. En 25 ans de carrière, il ne se souvient pas d'un produit ayant provoqué autant de plaintes. Déjà, plus de 200 consommateurs ont déposé une dénonciation officielle. Du jamais vu!

«Ce type d'arnaque fondée sur un produit santé miracle est vieux comme le monde. Mais l'internet a décuplé son efficacité», constate M. Frost.

Le phénomène des baies d'açaï survient un an et demi après l'adoption des nouvelles dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) en matière de contrats à distance, ce qui englobe les transactions en ligne.

Ce sera donc le premier vrai test d'envergure pour l'application du processus de «rétrofacturation», désormais encadré par la LPC.

En effet, la Loi permet aux consommateurs d'annuler un contrat à distance, lorsque le commerçant n'a pas divulgué «de manière évidente et intelligible» toutes les informations sur la transaction. Et lorsque l'entreprise refuse, le client peut demander à l'émetteur de sa carte de crédit de renverser la transaction.

«Au sens de la Loi, la démarche d'annulation ne doit être faite qu'une fois, même s'il s'agit d'un abonnement. Le client n'a pas à recommencer chaque mois», précise M. Frost.

Les banques ne sont pas au diapason

Mais dans la pratique, les émetteurs de cartes de crédit ne sont pas encore au diapason.

Avant de procéder à la rétrofacturation, une centaine de clients de la Banque de Montréal ont d'abord dû demander au commerçant d'annuler le contrat, comme le stipule la LPC.

Par la suite, la Banque utilise un système d'annulation de paiements récurrents de MasterCard Canada qui permet de «reconnaître et de bloquer les transactions», expose le porte-parole Ronald Monet. Mais il reconnaît que le système n'est pas infaillible.

D'autre part, la Banque Nationale offre un raccourci. «Nos clients qui sont pris avec ça, dès qu'ils appellent au service à la clientèle, on annule la transaction et on leur émet une nouvelle carte de crédit, avec un nouveau numéro. Comme la carte n'est plus en vigueur, ils (les vendeurs de baie d'açaï) ne peuvent pas revenir à la charge», dit le porte-parole Denis Dubé. Mais il précise qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle.

Toutefois, les clients ne peuvent pas simplement découper leur carte de crédit pour régler le problème, insiste la porte-parole de Desjardins, Hélène Lavoie. «Ce n'est pas parce qu'on annule la carte, qu'on annule l'abonnement, dit-elle. Il faut à tout prix retourner l'échantillon pour se désabonner.»