Les internautes suédois ont mis la pédale douce au téléchargement illégal après l'adoption d'une législation plus stricte saluée par l'industrie du disque, du film et du jeu vidéo mais vivement critiquée par une opposition «pirate» en plein essor.

L'effet économique a été spectaculaire: les ventes de musique en ligne au premier semestre 2009 ont bondi de 57% sur un an et celles d'albums ont augmenté de 9% alors qu'elles n'avaient cessé de baisser depuis 2001, selon la principale association de l'industrie du disque (Ifpi).Adoptée le 1er avril dernier, la controversée loi dite «Ipred», proche dans son principe de la «Hadopi» qui suscite un virulent débat au Parlement français, a aussi entraîné du jour au lendemain une chute de plus de 30% du trafic internet, une chute qui se maintient quatre mois plus tard, d'après les chiffres de l'opérateur suédois Netnod.

Or, le téléchargement illégal représenterait entre la moitié et les trois quarts du trafic internet. Selon le cabinet allemand Ipoque, le «peer to peer», majoritairement illicite, représentait en 2007 entre 49% et 83% du trafic suivant les régions du monde.

«Il est évident que les gens qui téléchargeaient ont eu peur et ont recours à d'autre moyens, comme les sites d'écoutes en ligne» type Spotify ou Deezer, relève un chercheur indépendant à l'Institut royal de technologie (KTH), Daniel Johansson.

«Des artistes suédois populaires ont vu leurs téléchargements illégaux chuter jusqu'à 80% sur des sites comme The Pirate Bay», relève-t-il.

La principale mesure de la loi Ipred, du nom d'une directive européenne de 2004, est de contraindre les fournisseurs d'accès à fournir les identifiants personnels (adresses IP) d'ordinateurs suspectés de télécharger illégalement, pour ouvrir la voie à des poursuites en dommages et intérêts.

«C'est un exemple historique de législation efficace», se félicite le porte-parole de l'Industrie suédoise du jeu vidéo, Per Strömback. «Personne n'aurait pu prévoir une chute aussi brutale du trafic illégal. Surtout, il y a eu aussi une forte hausse des services légaux», souligne-t-il.

Aucune poursuite n'a encore été entamée contre un particulier, mais les majors ont attaqué Ephone, un fournisseur d'accès qui refusait de livrer des données. Ephone, condamné en première instance, a fait appel.

Mais en Suède, patrie d'un des plus populaires sites d'échanges de fichiers en ligne, The Pirate Bay, dont quatre responsables ont été condamnés à un an de prison ferme, l'adoption de la loi Ipred a contribué à l'émergence d'une opposition politique.

Lors des élections européennes de juin, le jeune parti des Pirates, qui réclame principalement la légalisation du téléchargement, a recueilli un score inespéré de 7% des voix et décroché un siège au Parlement.

«Le gouvernement devrait cesser d'écouter les majors américaines au lieu des citoyens ordinaires. Cette loi est profondément injuste et va conduire à la punition de bouc-émissaires, à qui on va demander des centaines de milliers de couronnes», dénonce à l'AFP le député européen «pirate», Christian Engström.

Des interrogations demeurent aussi sur l'efficacité de la loi dans la durée.

Plusieurs sociétés proposent de dissimuler les adresses IP et les fournisseurs d'accès eux mêmes s'efforcent de limiter au maximum les informations qu'ils doivent transmettre à la justice, de peur de perdre des clients.

«Je ne crois pas que la loi sera efficace à long terme. Je pense que le trafic va remonter après quelques mois», pronostique M. Engström. «Les gens ont besoin de temps pour trouver des solutions afin de se protéger, mais une fois que ce sera fait, la loi sera inefficace», dit-il.

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