Facebook, ce site permettant aux internautes de retrouver ou de se faire des amis, contrevient sous quatre aspects à la Loi canadienne sur la protection des renseignements personnels, conclut la commissaire à la vie privée du Canada. Facebook, c'est gros, c'est loin et c'est au-dessus de tout? Loin de là.

C'est à la suite d'une plainte en 2008 émanant d'étudiants de l'Université d'Ottawa que la commissaire Jennifer Stoddart s'est penchée sur le cas de Facebook.

Le principal problème relevé par le Commissariat vient du fait que Facebook permet trop facilement à des tiers - des développeurs d'applications comme des jeux, des questionnaires ou des petites annonces - d'avoir accès aux renseignements personnels des usagers.

«Ce problème est tout sauf banal, car il y a près d'un million de développeurs dans le monde, qui proviennent de plus de 180 pays», a fait remarquer Elizabeth Denham, commissaire adjointe.

Selon le Commissariat, Facebook viole aussi la loi quant à la désactivation et la suppression du compte - dont la politique est mal expliquée -, quant aux comptes des utilisateurs décédés (qui peuvent être conservés par Facebook à des fins de commémoration) et quant aux renseignements personnels des non-utilisateurs. Ainsi, non seulement Facebook conserve-t-il indéfiniment les données personnelles de ses membres, mais le site peut en plus dévoiler pas mal d'informations ou des photos (sur «le mur» ou dans «les actualités») concernant des gens qui ne sont même pas inscrits.

«Il est évident que les enjeux relatifs à la vie privée sont une préoccupation centrale pour Facebook, mais on note tout de même de graves lacunes à cet égard», a relevé hier la commissaire Jennifer Stoddard.

Le Commissariat ne déresponsabilise pas pour autant les internautes. «Ultimement, même la politique de confidentialité la plus complète et les outils de protection les plus poussés ne suffisent pas si les utilisateurs n'y portent pas attention», a déclaré Elizabeth Denham, commissaire adjointe.

Nouvelles mesures

Réagissant au rapport, Facebook a fait savoir que de nouvelles mesures de confidentialité seraient bientôt ajoutées à son site, mesures qui devraient régler les problèmes soulevés par la commissaire. Facebook se dit au demeurant très ouvert à continuer de travailler avec la commissaire, comme il l'a fait - de l'avis même du Commissariat - pendant toute l'enquête.

Oui, le site est gros, oui, c'est du virtuel, mais Facebook ne peut se permettre d'ignorer les doléances du commissaire, croit Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa (qui n'a rien eu à voir avec la plainte faite par les étudiants de la même université). «Facebook est une grande entreprise qui tient à sa réputation, alors je doute qu'elle aimerait se retrouver sous le coup d'un ordre de la cour ou d'une amende. Pour Facebook, le Canada, c'est quand même 12 millions d'utilisateurs, ce qui n'est pas négligeable.»

Michael Geist rappelle que Google a lui-même pris très au sérieux les critiques d'atteinte à la vie privée quand a été lancé le service Street View, qui permet aux internautes de visualiser et de parcourir virtuellement les villes grâce à des caméras.

Sur le fond, M. Geist rappelle que Facebook n'en est pas à sa première critique et que oui, à plusieurs égards, le site a tout de l'Hôtel California de la chanson des Eagles «où l'on entre facilement, mais d'où l'on ne peut pas sortir».

Vincent Gautrais, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal, note lui aussi que Facebook «a intérêt à collaborer avec la commissaire», d'une part parce que la confiance des usagers est capitale dans ce type de réseau et d'autre part parce que les exigences formulées par la commissaire sont tièdes à plusieurs égards.

Vincent Gautrais relève que plusieurs des 11 questions étudiées se sont soldées par l'ajout de quelques lignes au consentement que doit offrir l'utilisateur. Ce faisant, «les gens ne sont pas mieux protégés, mais ça devient légal».

Enfin, Vincent Gautrais rappelle que la négociation avec Facebook se fait dans le contexte d'une loi canadienne «qui n'a pas beaucoup de mordant et qui ne prévoit que des amendes ridicules».