De par la nature de leur profession, les enseignants ont toujours été soumis à une forme de pression sociale. Leurs rapports avec leurs étudiants sont épiés de près et leur comportement en public doit être exemplaire. Or, cette réalité a atteint un autre niveau, le mois dernier. Un jeune suppléant de l'école de Riverside, à Jonquière, a cessé d'être appelé, après que des étudiants eurent fait circuler une photo de lui parue sur Facebook, où on le voyait, joint à la main, dans une fête privée. Cas isolé, ou précédent inquiétant?

Le phénomène Facebook et ses effets pervers ne viennent que s'ajouter aux contraintes déjà existantes du métier d'enseignant. Celui-ci est accompagné depuis toujours d'une pression sociale certes accablante, mais normale selon les intervenants consultés.«Ça fait partie de la «game», des choix que l'on a à faire. Les enseignants ont une grande responsabilité. Ils travaillent avec des centaines de jeunes chaque jour, ce n'est pas quelque chose de mineur, mentionne le responsable du baccalauréat en enseignement de l'éducation physique à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Mario Leone. Les attentes sont un peu normales. Les enseignants savent qu'ils seront davantage sous les regards, sous la loupe.»

Présidente du syndicat de l'enseignement du Saguenay, Aline Beaudoin abonde en ce sens. «On demande aux enseignants d'être plus blancs que blancs, comme si c'était sur eux que repose toute la moralité de notre société. Oui, les enseignants doivent agir en modèles, mais tous les adultes de notre société peuvent aussi être des modèles», soutient-elle.

Mario Leone met en garde contre le pouvoir que cette réalité confère aux élèves. «Les jeunes jouent souvent là-dessus pour obtenir des faveurs. Ils sont de plus en plus au courant des lois, alors ça peut devenir très contraignant pour les professeurs», souligne-t-il.

Il admet que le phénomène Facebook, encore relativement récent, demande un certain ajustement dans la préparation des futurs enseignants. «Nous avons un cours en début de programme, où on met en garde nos étudiants contre certains phénomènes auxquels ils auront à faire face dans l'exercice de leur profession. Cela dit, je pense que les gens savent bien qu'ils sont davantage exposés de nos jours», explique-t-il.

«C'est certain que ça préoccupe, que ça pose des questions. Ce sont des pièges qui guettent les enseignants», reprend Aline Beaudoin. «C'est un phénomène de société qui nous concerne tous, mais encore davantage lorsque l'on travaille avec des jeunes», mentionne Mario Leone.

Ce dernier constate que la dynamique du métier d'enseignant a beaucoup changé, ces dernières années. «Dans le passé, il y a toujours eu une certaine forme de proximité entre les professeurs et les élèves, surtout en éducation physique. Aujourd'hui, ne serait-ce que de mettre la main sur l'épaule d'un jeune pour l'encourager, les enseignants hésitent à faire ça», raconte-t-il.

En fin de compte, il s'agit d'une pression que tous ne peuvent supporter. «C'est rendu très délicat. Il y a 20% des professeurs qui abandonnent lors des cinq premières années suivant leur sortie de l'université. Ça demeure une très belle profession, mais avec des embûches qui en font hésiter certains», conclut M. Leone.

QUELQUES CHIFFRES

En date de février 2008, selon un sondage commandé par Branchez-vous :

- Plus d'un Québécois francophone sur quatre était déjà membre de Facebook.

- 54 % des 18 à 24 ans étaient membres du populaire réseau social.

- Chez les 25-34 ans, ce chiffre baisse à 47 %, et à 18,5% pour la tranche des 45 à 64 ans.

(Source : www.branchez-vous.com)

CODE CIVIL DU QUÉBEC

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public;

6° Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.