Le gouvernement conservateur veut faire entrer les policiers dans l'ère numérique en leur permettant d'obtenir un plus grand accès aux informations sur les abonnés des compagnies internet.

Si l'initiative est applaudie par les corps policiers à travers le pays, elle est susceptible d'alerter les groupes de défense du droit à la vie privée qui ont déjà exprimé leurs craintes dans ce dossier.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, et celui de la Sécurité publique, Peter Van Loan, ont présenté deux projets de loi jeudi pour moderniser les outils dont les services de police se servent pour traquer les criminels.

Le premier projet de loi permettrait notamment aux policiers d'obtenir des données, comme le nom et l'adresse des clients des fournisseurs de service internet, et ce, sans mandat. De telles dispositions seraient particulièrement utiles pour traquer ceux qui disséminent de la pornographie infantile sur le web, selon les policiers.

«Les forces de police et le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité) doivent pouvoir suivre le rythme des technologies de pointe qu'utilisent les criminels et les terroristes», a plaidé le ministre Van Loan en point de presse.

Le deuxième projet de loi vise les compagnies elles-mêmes, qui devraient désormais se doter d'une capacité technologique pour être en mesure d'intercepter les communications, ce dont toutes ne disposent pas, en ce moment. Le gouvernement promet qu'il offrirait une compensation à ces entreprises, sans pourtant avancer des chiffres sur le coût véritable d'une telle mise à niveau.

«Les gens communiquent par des messages texte, par la téléphonie IP à travers Internet. Les moyens de communication sont évolués et les moyens d'enquête doivent rattraper ces technologies-là», a soutenu le chef de police de Gatineau, en marge de la conférence de presse.

Il a donné en exemple le cas des ravisseurs d'une dame enlevée et séquestrée durant quatre jours, au Québec, et dont les policiers connaissaient les numéros de téléphone portable. L'enquête pour retrouver la victime a été plus longue parce que la compagnie téléphonique était incapable technologiquement d'intercepter les conversations du ravisseur.

En entrevue, la commissaire-adjointe à la vie privée, Chantal Bernier, a souligné qu'elle voulait s'assurer que les nouvelles mesures proposées soient vraiment nécessaires et qu'elles n'ouvrent pas la porte à des abus avant de donner son aval.

«On va demander aux ministères pourquoi ils vont chercher de tels pouvoirs et est-ce qu'ils ont une vraie justification», a-t-elle noté.

Comme elle, les partis d'opposition ne se sont pas déclarés catégoriquement contre la législation proposée par les conservateurs, mais ont ajouté qu'un examen approfondi des dispositions devait être avant tout réalisé.

«On souscrit au principe d'intervention en ce domaine, mais il faut prendre le temps de le faire de façon rigoureuse, et non pas à la cowboy comme c'est le style des conservateurs très souvent», a soutenu le chef bloquiste Gilles Duceppe.

Le point de presse, qui regroupait une douzaine d'intervenants, a été dirigé avec une main de fer par la députée conservatrice de Saint-Boniface, également policière, Shelly Glover. Devant les questions répétées des journalistes sur d'autres sujets, notamment sur le sort d'un ressortissant canadien coincé au Soudan, elle a voulu exiger que les questions portent exclusivement sur l'annonce du jour.

«Lorsqu'on met un officier de police en charge, il donne des directives et on espère que vous les suivez», a-t-elle lancé aux reporters, médusés.

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