Les fournisseurs de services internet (FSI) ont-ils le droit de contrôler ce qui circule sur leur bande passante et de bloquer des applications populaires auprès de certains internautes? La neutralité de l'internet a-t-elle un impact sur l'état de l'innovation et sur le quotidien des consommateurs au Canada? Ces questions, le CRTC les pose à tous les internautes canadiens, qui ont jusqu'à vendredi pour lui dire si la neutralité d'Internet est un sujet important pour eux.

Dans un récent avis public, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a annoncé qu'il lançait une consultation publique au sujet du contrôle de la bande passante par les FSI. C'est une technique que pratiquent certaines entreprises canadiennes, dont Bell, Cogeco, Rogers et Shaw Communications. Elle est sévèrement critiquée de toutes parts, notamment par l'Association canadienne des fournisseurs internet (ACFI), alléguant que la qualité de leur service en est directement affectée, puisqu'ils sont généralement eux-mêmes clients de ces géants des télécoms.

 

Ces derniers justifient leur position en alléguant que certains protocoles d'échanges de contenu, notamment les réseaux pair-à-pair (P2P), utilisent une trop grande part de leur bande passante, ce qui ralentit l'accès d'autres clients qui, eux, n'utilisent pas de tels services. D'autres services de communication Internet seraient aussi limités parce qu'ils se posent comme concurrents à d'autres services de ces FSI, comme la téléphonie.

D'autres organismes d'un peu partout au pays, comme l'Union des Artistes au Québec, se sont par ailleurs montrés en faveur d'une forme de contrôle géographique du contenu auquel ont accès les internautes canadiens, de manière à favoriser la création d'artistes et d'entreprises régionales. L'idée d'une taxe sur les revenus générés par les FSI qui servirait à financer la production de contenu local a également été lancée.

11 250 lettres au CRTC

Bref, le CRTC se demande maintenant s'il est de son mandat de s'occuper de ces questions, et refile en quelque sorte le dossier aux internautes, qui ont été nombreux à lui communiquer leur opinion, selon Steve Anderson, créateur du réseau SaveOurNet.ca, qui regroupe plusieurs dizaines d'organismes à but non lucratif (OBNL) et de personnalités influentes dans le secteur des technologies de l'information (TI) au Canada.

«Depuis que le CRTC a permis au public de s'exprimer au sujet de la gestion d'Internet au Canada, en février dernier, il a reçu tout près de 11 250 commentaires de citoyens sur ce sujet, ce qui est sans précédent», explique M. Anderson. «Il faut féliciter le CRTC pour cette première importante et lui faire comprendre qu'Internet n'est plus seulement une technologie, mais une composante essentielle de la société et de notre quotidien à tous.»

On le devine, SaveOurNet.ca est nettement en faveur de la neutralité d'Internet au pays. L'organisme cite en exemple les États-Unis, où le président Barack Obama, ainsi que la Federal Communications Commission (FCC, l'équivalent américain du CRTC) se sont récemment exprimés en faveur d'un réseau internet libre de toute contrainte. Leur principal argument: le réseau informatique aide à stimuler l'innovation et contribue à améliorer la compétitivité des entreprises qui y ont plein accès.

Évidemment, l'imposante présence américaine sur la Toile justifie une telle prise de position de leur part. Le marché canadien est plus petit et a traditionnellement eu tendance à protéger ses frontières. Autrement dit, c'est un débat plus complexe qu'il n'y paraît, et qui ratisse large, ce qu'admet le porte-parole de SaveOurNet.ca. «Il est surtout question des pratiques des FSI, mais c'est sûr que ça affecte le commerce et l'économie», dit Steve Anderson, concluant que cela rend cette consultation publique d'autant plus cruciale.

La page en question, bilingue, est accessible à l'adresse pratiquesfsi.econsultation.ca. Détail intéressant, en plus d'une vidéo d'introduction en guise d'accueil, on peut aussi lire un extrait des plus récents commentaires rédigés par d'autres internautes sur cette page.

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