Les gouvernements occidentaux sont de plus en plus réticents à censurer les sites internet extrémistes car ils représentent des «mines d'informations» pour les services de renseignement, selon des experts réunis cette semaine près de Madrid.

«Presque tous les gouvernements occidentaux pensent de la même façon: qu'il vaut mieux surveiller ces sites plutôt que d'essayer de tout censurer sur internet», a expliqué à l'AFP le Dr Peter Neumann, directeur de l'International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence (ICSR) basé à Londres.Les sites et forums radicaux, en particulier jihadistes (radicaux appelant à la «guerre sainte» au nom de l'islam, ndlr), sont même «une mine d'or» pour les services de renseignement, selon Raphael Perl, responsable de l'Unité Action contre le terrorisme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), participant, comme M. Neumann, à un symposium international sur terrorisme et sécurité informatique.

«Les gouvernements multiplient les efforts pour utiliser internet comme source de renseignement, en se centrant sur les terroristes, en particulier sur Al-Qaïda», a ajouté M. Perl, en marge de cette conférence de deux jours, organisée notamment sous l'égide du Conseil de l'Europe à El Escorial.

«Mais cela a bien sûr aussi des implications en matière de respect des droits de l'Homme, car toute personne qui est surveillée n'est pas forcément un terroriste», a-t-il précisé.

Pour Mike Smith, directeur exécutif du Comité contre le terrorisme de l'ONU, les sites internet sont une «fenêtre sur les opérations» des terroristes.

Dans un rapport publié le mois dernier, M. Neumann a estimé que fermer ou restreindre l'accès aux sites extrémistes était «rudimentaire, cher et contre-productif».

En effet, selon cet expert en terrorisme, plusieurs gouvernements ont pensé au départ que des «outils technologiques leurs permettraient de filtrer toutes les informations extrémistes».

«Mais plus ils en ont appris en matière de technologie, plus ils se sont rendus compte que c'était en fait impossible et ils en sont arrivés à la conclusion qu'il valait mieux surveiller leurs activités sur internet».

Selon M. Neumann, cette stratégie représente aussi un autre avantage: les terroristes, se sachant surveillés, ont tendance à éviter de communiquer sur internet, ce qui les «dissuade de mener certaines activités».

Toutefois, selon M. Perl, de plus en plus de groupes extrémistes, dont Al-Qaïda, prennent désormais des mesures pour dissimuler leurs activités en ligne, utilisant par exemple des systèmes de messages codés comme la «stéganographie».

Les services de renseignement et les terroristes se livrent à un «jeu perpétuel du chat et de la souris», affirme-t-il, soulignant que parfois, «les sites deviennent si radicaux et dangereux pour le public» qu'ils sont fermés.

Par ailleurs, «les autorités font parfois fermer des sites pour lancer un signal, montrer qu'elles sont aussi à l'offensive», mais là-aussi, «un nouveau site voit tout de suite le jour», estime-t-il.

M. Neumann souligne que l'an dernier «les trois plus gros forums jihadistes en ligne» ont été fermés, vraisemblablement par des services de renseignement. Mais cet expert recommande d'engager des poursuites contre les responsables de ces sites, lorsqu'ils deviennent très agressifs, plutôt que contre ces pages elles-mêmes, qui sont souvent basées dans des pays comme les États-unis où la liberté d'expression est garantie.