Contre toute attente, les députés français ont rejeté jeudi un projet de loi, voulu par le président Nicolas Sarkozy, prévoyant une coupure d'accès à internet en cas de téléchargement illégal de films et de musique et plaçant la France parmi les plus sévères au monde.

Le gouvernement a immédiatement affirmé que le projet de loi de nouveau soumis au parlement dès le 28 avril. Alors qu'une partie des députés présents de la majorité de droite au pouvoir (UMP) ont voté contre, ajoutant leurs voix à celles de l'opposition, le Parti socialiste a estimé qu'il s'agissait d'un «revers personnel» pour le président Sarkozy.

À main levée et en l'absence de la grande majorité des députés (577 au total), l'Assemblée nationale a rejeté par 21 voix contre 15 le projet de loi alors qu'il avait déjà été voté par le Sénat (chambre haute).

Le PS a demandé au gouvernement «de prendre en compte la position des parlementaires qui, très majoritairement, soit en votant contre, soit en s'abstenant, soit en ne siégeant pas, ont exprimé leur opposition» au texte.

La ministre de la Culture Christine Albanel a cependant fait part de «sa détermination intacte à se battre pour la défense des créateurs et contre le pillage des oeuvres».

Les opposants au texte, qui y voient un dispositif portant atteinte aux libertés et à la vie privée, en ont dénoncé le durcissement sous la pression du Sénat, jusqu'à l'obligation pour le «pirate» de payer son abonnement pendant la coupure qui peut aller de deux mois à un an.

L'opposition estime que ce système de sanction n'apportera aucun revenu supplémentaire aux artistes et qu'il défend les seuls intérêts des majors du disque.

Ce projet qui ferait de la France le premier pays européen à faire appliquer par la loi des coupures d'accès à internet.

La Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI) a estimé que le texte français devait être «un exemple pour le reste du monde».

Les artistes sont partagés. Fin mars, près d'une quarantaine de cinéastes, parmi lesquels Bertrand Tavernier ou Costa-Gavras avaient plaidé pour le projet. Mais dans une tribune publiée début avril, 13 personnalités du cinéma dont Catherine Deneuve et Victoria Abril, ont demandé l'abandon d'un «mécanisme de sanctions à la constitutionnalité douteuse et au fonctionnement fumeux».

«La France est le seul pays au monde à vouloir encore expérimenter une loi qui prévoit la sanction la plus dure, à savoir la coupure totale d'accès à internet», a déclaré à l'AFP la Fédération française des Télécoms, qui regroupe les fournisseurs d'accès internet.

La Nouvelle-Zélande, qui avait adopté une loi en ce sens en février, a dû reculer et reporter son application, face à la colère des internautes.

L'Union européenne n'a pas de législation spécifique en matière de lutte contre le piratage en ligne des contenus culturels, seulement une obligation générale pour les Etats membres d'assurer la protection du droit d'auteur.

En Grande-Bretagne, les fournisseurs d'accès ont signé un accord en juillet avec l'industrie du disque prévoyant l'envoi de messages d'avertissement mais sans sanction à la clef.

En Allemagne, une loi en vigueur depuis début 2008 prévoit des amendes jusqu'à 10 000 euros mais s'est révélée difficilement applicable.

Aux États-unis, après de nombreux procès contre les «pirates» internet, l'industrie du disque s'est rapprochée des fournisseurs d'accès dont certains prévoient dans leur contrat des coupures d'accès.

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