Vous pensez que votre profil Facebook n'est accessible qu'à vos amis? Détrompez-vous. Un juge de la Cour supérieure de l'Ontario vient d'ordonner à un homme victime d'un accident d'auto de dévoiler de grands pans de la section privée de son profil à la conductrice qui a provoqué ses blessures.

La décision, qui ouvre la porte à des «expéditions de pêche» sur le site de réseautage tant au Québec qu'en Ontario, ne surprend ni les experts ni les assureurs.

 

L'affaire est en lien avec un accident d'automobile survenu en 2004, à Lindsay, en Ontario. La victime, John Leduc, a poursuivi la responsable de l'accident, Janice Roman, pour «perte de jouissance».

En septembre 2007, alors qu'il témoignait devant un psychologue, M. Leduc a affirmé ne pas avoir beaucoup d'amis, «sauf sur Facebook». À la suite de cette affirmation, les avocats du défendant ont demandé à avoir accès à la section privée du profil Facebook de la victime. «C'est clairement une expédition de pêche», a d'abord indiqué un protonotaire de la Cour supérieure de l'Ontario. Le juge Brown a toutefois conclu le contraire: «M. Leduc (la victime) exerce un contrôle sur l'information qu'il affiche sur le site pour le bénéfice de ses «amis». Il est raisonnable d'inférer que le site de réseautage social contient des éléments pertinents pour déterminer si la qualité de vie de M. Leduc s'est dégradée depuis le jour de l'accident», écrit-il.

Facebook est un site de réseautage sur l'internet, sur lequel les membres étalent leur vie privée, discutent entre eux et affichent des photos. Ce sont les utilisateurs qui décident à qui, et dans quelle mesure, ils donnent accès à ces informations. Que les profils sur Facebook soient semi-privés ou non n'y change rien, estime Pierre Trudel, titulaire de la Chaire de recherche en droit public de l'Université de Montréal. «Cette décision confirme un principe de justice bien établi. Si un document existe, et que le fait de le produire devant le juge peut aider à résoudre un litige, il sera révélé», croit-il.

Les assureurs ne se gêneraient pas

Selon le vice-président aux affaires québécoises de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, Yves Millette, il est clair que les compagnies d'assurances pourraient, en cas de litige avec des clients, obtenir de façon semblable de l'information qui se trouve sur un profil Facebook ou de tout autre site web de réseautage. «Si c'est obtenu selon les règles de preuve et si c'est pertinent, bien sûr qu'un assureur peut s'en servir en cas de litige», affirme-t-il.

Au Québec, une poursuite identique à celle survenue en Ontario est impensable, en raison du régime d'assurance automobile sans égard à la faute en vigueur ici. Mais une multitude d'autres cas d'espèce pourraient se produire. «Si, par exemple, une personne qui est déclarée invalide (et perçoit un revenu de son assureur) se vante sur Facebook de ses prouesses sportives, un assureur pourrait se servir de cette information-là», assure M. Millette. Après tout, pourquoi s'en priverait-il?