Quelques cas très médiatisés de pédophiles qui ont lancé des invitations à des enfants par l'entremise du Web ont fait les manchettes ces derniers temps, mais l'ampleur du problème demeure difficile à cerner. Statistique Canada a néanmoins levé une partie du voile, hier, sur ce que risquent les enfants quand ils surfent sans filet sur l'internet.

Au cours des années 2006 et 2007, les services de police de l'ensemble du Canada ont eu à traiter 464 affaires de leurre d'enfants, le leurre impliquant ici le fait d'aborder un enfant dans l'internet dans le but de commettre ensuite une infraction plus facilement. Une agression sexuelle ou un enlèvement, par exemple.

 

Tout en dévoilant ces données, Statistique Canada note, en s'appuyant sur des études canadiennes et américaines, à quel point il est difficile de brosser un portrait complet en la matière parce que «peu de ces affaires sont signalées aux autorités. Par exemple, moins de 10% des enfants et des adolescents américains qui ont fait l'objet d'avances sexuelles dans l'internet en 2005 ont signalé l'affaire aux autorités.»

Dans le même souffle, Statistique Canada signale aussi qu'il est important de ne pas sauter aux conclusions trop vite. Vrai, le nombre d'affaires de leurre d'enfants déclarées à la police en 2006 était de 1,5 fois plus élevé que le nombre noté en 2005; en 2007, la hausse était de 30%.

Cependant, «les augmentations du nombre d'affaires de leurre d'enfants qui viennent à l'attention de la police découlent de l'accroissement des efforts qui sont déployés pour sensibiliser le public à cette infraction», écrit l'agence fédérale.

Mais quand il y a plainte, comment se conclut l'affaire?

Un peu plus de six affaires de leurre d'enfants sur dix signalées à la police en 2006 et 2007 n'ont pas été classées. Cependant, quand des accusations sont bel et bien portées, près des trois quarts des cas mènent à un verdict de culpabilité. Et depuis 2003, environ le tiers des causes impliquant des infractions de leurre d'enfants comportaient également une accusation d'incitation à des contacts sexuels ou une accusation de pornographie sexuelle.

Le fait que le leurre d'enfants ait été ajouté au Code criminel en 2002 facilite grandement le travail des policiers, note Guy Bianchi, lieutenant-détective au Service de police de la Ville de Montréal spécialisé dans les questions d'agressions sexuelles ou d'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. «Beaucoup de représentations ont été faites en ce sens, notamment du côté de la Gendarmerie royale du Canada, dit-il. Avant (l'ajout du leurre au Code criminel), on notait que nous n'avions presque pas le choix d'attendre que la fille soit agressée pour agir.»

L'intérêt de cet ajout, c'est qu'il peut permettre de prévenir d'autres crimes plus graves, d'arrêter les gens avant qu'il ne passe réellement à l'acte.

En effet, comme l'explique le criminaliste Gilles Ouimet, on peut être accusé de leurre sans avoir commis d'autres infractions, puisque la question d'intention, ici, est importante.

Cela étant dit, comme l'indique M. Bianchi, cet article du Code criminel ne peut pas tout. «Dans le cas du Belge, par exemple, nous sommes arrivés après les faits.»

M. Bianchi évoque ici le cas de ce Liégeois qui est débarqué à Montréal en juin dernier et qui a été accusé d'avoir enlevé une jeune Montréalaise de 13 ans.

L'an dernier, une enquête d'un journal montréalais avait bien démontré qu'un nombre important de prédateurs sexuels naviguent sur les sites très prisés de jeunes Québécois pour chercher ensuite à rencontrer des mineurs.

Selon l'étude toute fraîche de Statistique Canada, six auteurs présumés de leurre d'enfants sur dix étaient de jeunes hommes de 18 à 34 ans.

Cyberaide, l'un des réseaux les plus actifs dans la lutte contre la criminalité contre les enfants dans l'internet est l'un des organismes qui collaborent le plus avec les corps policiers. Dans son site web, l'organisme pancanadien soutient que sa transmission de signalements a mené, depuis 2002, à 44 arrestations et à la fermeture de 2850 sites internet.

Sa directrice, Signy Arnason, note que les cas de leurre comptent pour 8% des signalements du public reçus à Cyberaide. Le leurre d'enfants est d'autant plus inquiétant qu'il est souvent associé à des accusations plus graves, mais les signalements les plus communs ont trait à la pornographie juvénile aperçue dans l'internet (90% des signalements à Cyberaide.ca)