Les enjeux sont variés: réglementation de l'internet par le CRTC, investissement public dans la haute vitesse hors des grands centres, contrôle de la bande passante par les fournisseurs d'accès, exode des achats en ligne vers des pays étrangers... De nombreux acteurs du monde des technologies de l'information (TI) s'entendent: l'heure est à la réflexion sur l'impact de l'internet sur l'économie québécoise. Avec ou sans le gouvernement.

En 1998, à une époque où l'internet était considéré comme un média émergent, le gouvernement québécois avait nommé un ministre délégué à l'Autoroute de l'information, qui a accouché, tôt en 1999, d'une politique québécoise de l'inforoute. Dix ans plus tard, une éternité dans l'univers des technos, elle n'a jamais été retouchée.

Un directeur de la technologie?

L'internet est présent dans presque tous les secteurs de l'activité au Québec, au bureau, à l'école, à l'hôpital. Pourtant, chacun des bouleversements qu'il crée sur son passage est vu de manière isolée, à la pièce. Ce que déplorent de plus en plus d'entrepreneurs québécois des TI. Depuis l'automne dernier, ils tentent de pousser le gouvernement à amorcer une réflexion d'ensemble par rapport à l'internet et ce qu'ils appellent «l'économie numérique».

Yves Williams, cofondateur de la société Netgraphe et de la Toile du Québec au cours des années 90, est aujourd'hui président de Netsym Communications et créateur du portail AgentSolo.com, destiné aux professionnels de l'internet. Il est de ceux qui aimeraient qu'on développe une stratégie d'ensemble entourant ce nouveau média... de moins en moins nouveau. «J'ai voulu lancer un signal d'alarme, commence-t-il. L'internet change le fonctionnement dans de nombreuses industries. Actuellement, le CRTC en est un bel exemple: il doit décider, tout seul, s'il faut réglementer l'internet, en dehors de toute vision nationale d'ensemble. C'est difficile.»

Le fait que le président américain compte nommer un directeur national de la technologie, qui aura le mandat de moderniser les départements d'État et d'accélérer l'utilisation des TI chez l'oncle Sam, semble une preuve de plus de la pertinence d'une telle prise de conscience. «Plusieurs veulent une plus grande implication du gouvernement. Peu importe, ça prend quelqu'un pour prendre l'initiative et pour guider le développement de l'économie numérique au Québec. Si on veut réellement profiter de l'internet, il faut savoir où on s'en va, sinon une bonne partie de notre économie et de notre culture va être réglée à San Francisco... »

«Des bâtons dans les roues»

Naturellement, tous ne sont pas tellement chauds à l'idée de voir la politique s'insérer dans l'industrie des TI, car qui dit encadrement dit souvent, aussi, contraintes. «D'un côté, le gouvernement nous aide à promouvoir notre expertise à l'étranger, mais d'un autre côté, il nous met des bâtons dans les roues», constate Christian Laforte, président et fondateur de Feeling Software, entreprise montréalaise qui développe des outils de création multimédia pour des géants mondiaux comme Sony et Google.

Récemment, Feeling Software a eu maille à partir avec l'Office québécois de la langue française, car ses outils ont été développés en anglais. L'OQLF ne fait pas grand cas du fait que les clients de M. Laforte soient, «à 99,2%», des entreprises étrangères: il faut tout traduire. «Ils nous traitaient comme des criminels, dit-il. Ils auraient plutôt dû nous aider à tout traduire. »

Échaudé, l'entrepreneur montréalais pense que les TI ne devraient pas demander de traitement de faveur du gouvernement. «Ce n'est pas son rôle de favoriser un secteur de l'économie plus qu'un autre, croit-il. On le fait souvent au détriment d'un autre secteur et ce n'est pas la bonne solution. Si on veut faire comme Obama, il faudrait plutôt investir dans les infrastructures. Ça, ce serait bon pour tout le monde. »