Dans un contexte économique difficile, les plumes de la presse écrite française continuent à trouver dans internet une opportunité pour lancer des projets éditoriaux avec des moyens limités, comme l'atteste le lancement mardi du site gratuit Slate.fr de Jean-Marie Colombani.

Depuis 2007, il y a eu d'abord le site d'informations satiriques et polémiques Bakchich, animé par Nicolas Beau, venu du Canard Enchaîné. Suivi du site Rue 89, lancé par des anciens de Libération dont Pierre Haski, puis MediaPart, site, payant celui-là, créé par Edwy Plenel.

Le journaliste Edwy Plenel fondateur du site d'information Mediapart à Caen le 1er février 2009

A première vue, au niveau européen, «cela semble être assez spécifique» à la France, considère Jean-Marie Charon, sociologue spécialisé dans les médias, qui a commencé à recenser les initiatives similaires dans l'UE et a du mal à en trouver.

«Au point de départ de ces sites, on trouve souvent des journalistes disponibles, expérimentés, qui ont envie de monter un projet éditorial», notamment à partir de leurs indemnités de départ de leur ancien titre, a déclaré à l'AFP ce chercheur du CNRS.

De leur côté, les investisseurs sont plus enclins à soutenir les projets de médias en ligne que ceux en presse écrite, notamment parce que la mise est bien moins importante, poursuit-il.

Les rédactions de ces sites d'information sont de petite taille. Slate.fr, déclinaison française du site américain d'analyses et de commentaires Slate.com, filiale du Washington Post, démarre avec une équipe permanente de moins de dix personnes. Il s'appuie sur un partenariat de contenu avec son grand frère américain, qui détient 15% de la société française.

Les fondateurs de Slate.fr conduits par M. Colombani seront majoritaires. Approché, le groupe Lagardère n'a pas souhaité participer à l'aventure. C'est un fonds d'investissement spécialisé dans les nouvelles technologies qui doit venir compléter le tour de table prochainement. Au total, «entre 3 et 3,5 millions d'euros» sont réunis pour les trois prochaines années, a indiqué à l'AFP Jean-Marie Colombani.

«Mais il y a une énorme dose d'inconnu» sur ce type de média en ligne, chacun cherchant un modèle économique qui lui permette de tenir, souligne M. Charon. Pour le moment, aucun «n'est à l'équilibre», a-t-il déclaré.

Lancé en mai 2007, Rue 89 «vise le point d'équilibre fin 2009 mais il est clair que la crise ne facilite pas» les choses, a indiqué à l'AFP Pierre Haski, l'un des fondateurs de ce site gratuit. Les ressources proviennent de la publicité et de prestations de service (construction de sites, formations).

Le site, qui a levé 1,1 million d'euros en juin, emploie une vingtaine de salariés dont quinze journalistes. Il estime avoir atteint ses objectifs de trafic, avec un million de visiteurs uniques en novembre puis en décembre, selon l'institut Nielsen. «Nous avons aussi rempli notre objectif de notoriété et de visibilité», a estimé M. Haski.

Lancé en 2008, MediaPart a choisi le système de l'abonnement payant mensuel. «Nous avons plus de 15.000 abonnés et ce chiffre continue à augmenter de façon assez régulière», a affirmé à l'AFP Edwy Plenel. «Nous avons dépassé les 400.000 visiteurs uniques par mois», a-t-il ajouté.

M. Plenel vise «l'équilibre pour 2011, 2012». «Nous avons une équipe forte d'une trentaine de personnes, ce qui n'est pas le cas de Slate.fr. Et nous, nous sommes totalement indépendants», a ajouté l'ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde.