Le président Obama a mené sa campagne électorale sur Internet et il a montré, dès son assermentation, que sa présidence aussi passerait par le Web. Cette stratégie soulève l'intérêt de nos partis politiques, mais le Québec n'est pas encore prêt à prendre le risque de la cyberdémocratie.

Dès le premier jour, le nouveau site de la Maison-Blanche comprenait un blogue, le premier dans l'histoire de la présidence américaine, auquel contribuent les proches collaborateurs du président. Le président lui-même continuera par ailleurs de diffuser à chaque semaine un vidéo sur YouTube.Pendant la campagne électorale, une vingtaine de réseaux, les Facebook, Twitter, Flickr, YouTube et autres, ont servi à coordonner les actions de centaines de milliers de bénévoles pour Obama, une opération qui ne s'est pas arrêtée là. Entre son élection et son assermentation, le site de transition invitait les gens à soumettre leurs idées : 125 000 internautes ont répondu avec 44 000 propositions qui ont reçu 1,4 million de votes.

Michael Carpentier, spécialiste en stratégie et en positionnement Web chez la firme Zengo, suit de très près l'exercice qui se déroule au sud de nos frontières. Obama n'a rien inventé, dit-il, tous les outils dont il s'est servi n'attendaient que ça. «Dans le monde techno, on se dit : «Enfin! Il était temps que quelqu'un l'utilise comme il faut. On rattrape un retard», conclut-il.

Depuis l'élection, M. Carpentier a été approché par plusieurs politiciens et organisateurs qui sont intrigués par la campagne d'Obama. «On a parlé avec des partis politiques au fédéral comme au provincial. Un député fédéral m'a dit il y a quelques jours que son parti était en retard de 5 à 6 ans sur ce qui se faisait aux États-Unis.»

Mais selon lui, les organisations ne sont pas encore prêtes à prendre le risque de s'ouvrir autant sur Internet : «Il y a un écart énorme entre la culture des organisations et ce qui pourrait être fait.» L'incident des vidéos ridiculisant Pauline Marois et Jean Charest, lors de la dernière campagne, est l'exemple de la dérive qui fait peur aux partis parce que ces incidents isolés peuvent prendre des proportions énormes dans les médias.

Selon Martin Comeau, ex-attaché de presse de Gilles Taillon, qui oeuvre maintenant en acquisition d'apprentissage et formation par le Web pour la firme Opossum, il faut qu'à la base chaque organisation désigne un responsable du Web à qui on accordera la même importance qu'au responsable des communications.

Pour le moment, aucun parti n'a de stratégie orchestrée pour le Web, et ce qu'on voit ce sont essentiellement des actions isolées, dit-il, citant en exemple la page Facebook du libéral Denis Coderre, (qu'on ne trouve d'ailleurs pas dans son site Internet de député).

On pourrait faire beaucoup plus, estime quant à lui Michael Geist, titulaire de la Chaire sur Internet et les lois du commerce électronique à l'Université d'Ottawa.

«Au pro rata de notre population, Facebook est plus utilisé par les Canadiens que par les Américains. On est un des pays qui l'utilisent le plus au monde. Quand il y a eu une contestation en Ontario à propos du permis de conduire, 150 000 personnes l'ont fait à travers Facebook, et ça force le gouvernement à en tenir compte.»