Un bouton sur le bout de la langue? On trouve aujourd'hui, au bout du clavier, une explication au moindre bobo. Pas étonnant donc que plus d'un Québécois sur sept se tourne d'abord vers l'ordinateur pour s'informer sur sa santé. Un sur trois consulte plutôt son médecin en premier lieu, selon un sondage mené en 2008.

«L'information véhiculée par l'internet influence la réflexion et les décisions des utilisateurs concernant leur santé et leur bien-être», indiquent les chercheurs de Microsoft. L'enquête Online Health Search 2006 le confirme: 55% des utilisateurs américains de sites de santé disent que l'internet a complètement changé leur façon de gérer leur santé; 58% s'y fient pour choisir un traitement.

 

«Les gens sont plus informés et mieux outillés pour agir. Ils sont plus actifs», note Marc Lemire, chercheur adjoint au département d'administration de la santé de l'Université de Montréal. «C'est un outil très utile pour les personnes atteintes d'une maladie chronique», ajoute Marie-Thérèse Lussier, médecin de famille et professeure à l'Université de Montréal. Plusieurs patients vérifient, sur le Net, les effets secondaires d'une médication. «C'est une bonne chose.»

Devant l'ordinateur, il peut cependant être difficile de s'y retrouver entre les propos de charlatans, la terminologie médicale complexe mal comprise et le classement trompeur des moteurs de recherche. Selon une étude torontoise publiée en 2006 dans le Journal of Medical Internet Research, les médecins de famille sont d'avis que l'internet génère de la confusion, de la détresse et une tendance à l'autodiagnostic chez leurs patients.

Tout un défi

Çela pose un nouveau défi aux médecins. «On ne peut se battre contre ce changement. Tous les jours, des patients arrivent avec des documents tirés de l'internet. On doit mettre au point une stratégie pour répondre rapidement et clairement. On doit aider les patients à choisir les sites fiables», indique la Dre Lussier. Tout ça, sans allonger le temps de consultation.

«Les patients s'estiment plus compétents. Ils remettent en cause le discours médical dominant, certains sont plus ouverts aux médecines alternatives. Ils arrivent avec un diagnostic et les traitements possibles. Le médecin doit se justifier, expliquer, vulgariser», explique Marc Lemire, qui a étudié les comportements d'utilisateurs de sites de santé.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a mis sur pied une formation pour guider ses membres dans ce nouveau rôle. Un chapitre de l'ouvrage La communication professionnelle en santé (2005), coécrit par Marie-Thérèse Lussier et Claude Richard, est consacré au défi que pose l'internet.

Vite, une évaluation!

Une évaluation des sites de santé pourrait faciliter la vie de tous. Ça viendra, croient les experts interviewés. «Dans certains pays, on a déjà mis en place un système de certification de portails et de sites. Les internautes s'y retrouvent plus facilement», dit M. Lemire. «L'accessibilité, la pertinence et la validité de l'information sur l'internet devraient être évaluées par le gouvernement et les autorités médicales», précise Claude Richard.

«Je pense qu'on s'en va vers des sites médicaux destinés aux patients et associés à des cliniques, indique la Dre Lussier. Les patients pourraient interagir avec l'équipe traitante et poser des questions lorsque l'information consultée n'est pas claire.»

En attendant, les internautes doivent user de sens critique. «L'internet a diminué notre capacité d'attendre. Ça révolutionne les habitudes de vie, note le psychologue Gilles Ouimet. Avec le temps, on apprivoisera ce nouvel outil et on arrivera à mieux discerner la bonne information. On doit multiplier les sources d'information et contre-vérifier les données. La prudence s'installera.»

Et, qui sait, les moteurs de recherche seront peut-être repensés...