Dans l'art de mener une campagne présidentielle victorieuse aux États-Unis, il y a un avant et un après 2008, et c'est à Internet que l'on doit cette révolution qui commence à faire des émules.

Pour Joe Trippi, un consultant démocrate à qui est prêté la paternité de l'utilisation d'Internet comme outil politique, c'est comme si on était passé en quatre ans des balbutiements de l'aviation aux premiers pas sur la lune. «En 2004, on en était en quelque sorte aux frères Wright et tout à coup c'est Apollo 11: les responsables de campagne d'Obama ont lancé un candidat et réussi à le faire atterrir sans dommage à la Maison-Blanche», s'enflamme M. Trippi, ancien conseiller du candidat démocrate Howard Dean dans la course présidentielle de 2004.

«Avec tous ces nouveaux outils», affirmait-il récemment lors d'une conférence sur le Web 2.0 à San Francisco, «les choses ont radicalement changé entre 2004 et 2008».

«Sans Internet, Barack Obama ne serait pas président», assène sans détour Ariana Huffington, créatrice de l'influent blog politique Huffington Post.

Micah Sifry, cofondateur de Techpresident.com, un blog consacré aux relations entre la politique et Internet, estime que l'équipe de campagne d'Obama, premier Noir à accéder à la présidence des États-Unis, a précipité l'avènement de «l'ère de la participation politique de masse».

L'aspect attirant du site Internet d'Obama, son utilisation de la messagerie électronique, du site de partage de vidéos YouTube, des réseaux de socialisation MySpace et Facebook et du site de mini-messages Twitter entre autres outils technologiques, ont déjà fait école au-delà des frontières américaines.

Le site Internet de Benjamin Netanyahu, le candidat du Likoud aux prochaines élections législatives en Israël, s'inspire sans vergogne de celui d'Obama, jusque dans les couleurs et la charte graphique.

Les nouvelles technologies n'influencent pas la politique seulement dans les pays développés, souligne Joe Trippi, qui raconte un voyage qu'il a fait au Nigeria, où le téléphone portable est le seul outil technologique largement répandu.

«Nous envoyions des messages pour dire: vous avez entre les mains la flamme de la démocratie, faites-la passer aux autres Nigérians, faites-le leur savoir», explique-t-il. «C'est étonnant de voir à quel point les gens utilisent la technologie dans ce pays, où même le village le plus pauvre dispose d'un téléphone portable qui circule».

Jusque-là très discrets, les animateurs de la campagne Internet de Barack Obama ont participé début décembre à une conférence sur les nouvelles technologies à New York.

Joe Rospars, directeur des nouveaux médias, Scott Goodstein, chargé du suivi en ligne et Sam Graham-Felsen, responsable des blogs, ont raconté comment ils avaient provoqué un «raz-de-marée» Internet en partant de presque rien: un iPhone pour trois.

Depuis le début, raconte Joe Rospars, «les nouveaux médias ont été intégrés étroitement à notre campagne sur le terrain, à nos opérations de levée de fonds et de communication». «Ce n'était pas seulement une campagne, mais un mouvement, et nous essayions d'organiser les gens», ajoute Sam Graham-Felsen.

Internet leur a offert des moyens d'organisation inédits et sa place dans les prochaines campagnes politiques semble garantie.

Malgré tout, Scott Goodstein souligne que certaines choses sont immuables. «Les campagnes sont toujours affaire de temps, de ressources et d'argent», dit-il.

Joe Rospars reconnaît que la victoire tient à autre chose qu'aux seules vertus d'Internet: «En fin de compte, si vous ne portez pas le bon message, vous allez avoir du mal à recruter des volontaires et les gens n'iront pas voter».