Vous trouvez un de vos collègues à votre goût? Le courriel n'est peut-être pas la meilleure façon de lui dévoiler vos sentiments. Ni de révéler vos secrets à un tiers!

L'histoire qui suit est vraie. Dans un courriel fort explicite expédié à une copine de bureau, une employée décrivait en détail certains attributs physiques d'un collègue et ses intentions de le séduire. Mais au moment d'appuyer sur le bouton «envoyer», elle a plutôt utilisé la touche «envoyer à tous».

 

Quelques secondes plus tard, elle réalisait son erreur, mais il était trop tard. Le courriel avait été transmis à tous les employés. La situation était si embarrassante que la jeune femme a démissionné sur-le-champ.

«Quand on écrit un courriel, on se dit que c'est comme une lettre, dit Me Julie-Martine Loranger, associée spécialisée en litige commercial et civil chez Gowling Lafleur Henderson. Mais les particularités du courriel font qu'il peut provoquer des conséquences foudroyantes.»

La vitesse à laquelle les gens réagissent aux courriels qu'ils reçoivent peut être la source de bien des problèmes. On ressent la pression pour répondre tout de suite et on ne prend plus le temps de réfléchir.

«Auparavant quand il y avait une urgence, un dossier arrivait par messager, dit l'avocate. Il fallait attendre que le type arrive avec son vélo pour livrer la lettre. Cela donnait le temps de décanter.»

Signe des temps, les courriels sont maintenant utilisés comme preuve en cour dans bien des litiges. Ils peuvent incriminer la personne qui les écrit. «Ce que l'on constate dans ces causes, c'est à quel point les gens écrivent n'importe quoi dans des courriels», dit Me Loranger.

On ne contrôle pas ce que le destinataire d'un courriel peut en faire. Il peut l'archiver ou l'envoyer à d'autres personnes. Donc, prudence.

Dans un contexte professionnel, les experts recommandent de respecter un certain décorum dans les courriels, comme s'il s'agissait d'une lettre. Le vouvoiement est de mise. On doit éviter d'écrire en majuscules, cela donne l'impression que l'on crie.

Et surtout, il faut éviter à tout prix les propos discriminatoires ou diffamatoires et les blagues de mauvais goût. Ces propos pourraient revenir vous hanter, car ils laissent des traces.

«Les gens croient à tort, parce qu'ils ont appuyé sur la touche «effacer», que le message est disparu à jamais, dit Me Loranger. Or, il reste toujours possible de retracer. On doit garder à l'esprit qu'un jour, ce que l'on a écrit pourrait devenir public.»

Et c'est sans compter l'espionnage des petits curieux. En juillet dernier, une étude publiée par la firme Cyber-Ark révélait qu'un tiers des responsables de l'informatique avouait avoir déjà lu les messages personnels de leurs collègues!

L'illusion d'être chez soi devant son ordinateur

Quand on se retrouve devant son ordinateur au bureau, on a tendance à se l'approprier pour des tâches qui n'ont pas toujours un lien avec le boulot.

«Les gens ont un faux sentiment de sécurité seuls derrière leur clavier et la fausse impression que cet ordinateur leur appartient, dit Me Me Claude Gravel, associé spécialisé en droit du travail et de l'emploi chez Gowling Lafleur Henderson. En fait, l'employeur est justifié d'en vérifier le contenu pour savoir s'il sert juste au travail.».

Ainsi, vos photos de voyages ou la musique téléchargée sur votre poste de travail pourraient vous valoir des sanctions. Depuis les années 90, plus d'une trentaine de licenciements ou de suspension ont eu lieu au Québec dans des cas semblables. Les tribunaux ont considéré qu'il s'agissait d'un vol de temps, ou que les employés contrevenaient à leur obligation de loyauté envers l'employeur.

Même si cinq minutes ici et là passées à des fins personnelles semblent triviales à première vue, elles coûtent cher en productivité, croit Me Gravel. «Si 25 employés perdent cinq minutes par jour pendant toute l'année, au total, cela équivaut à douze semaines et demie de travail perdues!»

Et la chose est courante. Des études ont démontré que parmi les dix sites internets les plus fréquentés par les employés d'une entreprise, aucun n'était lié à leur travail. On fait de tout sur internet au bureau: sites de rencontres, transactions bancaires, achats en ligne et, dans les pires cas, pornographie font partie des cas recensés.

Récemment, les sites de réseautage comme Facebook ont posé de nouveaux problèmes aux employeurs. «Une entreprise a une marque commerciale reconnue. Si les employés créent un groupe associés à cette marque, ils peuvent tenir des propos sur lesquels l'employeur n'a aucun contrôle», dit Me Gravel.

À l'inverse, on met sur ces plateformes des informations personnelles sans penser aux conséquences. Si un collègue de travail accède à ces informations, cela pourrait compromettre notre vie privée. Ou pire: nuire à notre réputation dans l'entreprise dans le cas de photos de partys un peu trop arrosées.