Après des pressions particulièrement fortes en Europe, le moteur de recherche Google a réduit de moitié la durée pendant laquelle il stocke certaines de leurs données privées, répliquant à ceux qui l'accusent d'espionner à grande échelle les internautes.

«Jusqu'ici, nous avons conservé les historiques (de recherche) pendant 18 mois. Avec la nouvelle politique, nous rendrons anonymes les adresses IP dans nos historiques de serveurs après neuf mois», a indiqué mardi Peter Fleischer, conseil de Google pour les questions de données privées, lors d'une conférence téléphonique.

Tout ordinateur qui se connecte à internet est identifié par un numéro d'adresse IP. En le mettant en rapport avec un historique des recherches, on peut définir les intérêts de l'utilisateur, ses tendances politiques, religieuses ou sexuelles, ses loisirs... Une aubaine pour les publicitaires en ligne, qui peuvent cibler leurs annonces.

L'an dernier, Google avait réduit une première fois sa durée de stockage de 24 à 18 mois, poussant ses concurrents à prendre des mesures similaires.

La nouvelle réduction «nous met devant le reste du secteur», s'est félicité mardi Peter Fleischer, rappelant que Microsoft conservait les données 18 mois et Yahoo! 13 mois.

«C'est un effort dans la bonne direction et si ça peut permettre à d'autres compagnies sur le marché d'aller dans la même direction, c'est bon à prendre», a commenté Emilie Barrau, une juriste de l'association européenne de consommateurs BEUC.

Un bémol toutefois: le procédé technique pour «anonymiser» les données reste à déterminer. «Il faut que ce soit irréversible», prévient Emilie Barrau.

Et «ils ne l'ont pas décidé tout seuls, ils l'ont décidé sous la pression des autorités de régulation européenne», souligne-t-elle.

Google lui-même reconnaît que sa décision, même si elle s'appliquera dans le monde entier, répond à un avis publié il y a quelques mois par le groupe des organismes européens de protection des données, qui compte parmi ses membres la CNIL française.

Ces organismes estimaient que les moteurs de recherche n'avaient aucune raison de stocker plus de six mois des informations sur les internautes.

La soif d'informations des géants de la toile suscite une méfiance grandissante de la part des consommateurs, qui voient en eux des versions modernes de Big Brother.

C'est particulièrement vrai pour Google, premier moteur de recherche mondial avec environ deux tiers des recherches, loin devant Yahoo! et les sites de Microsoft.

Les critiques s'étaient faites plus vives l'an passé, tant en Europe qu'aux États-Unis, quand Google a décidé de racheter la régie publicitaire en ligne DoubleClick, spécialisée dans la fourniture de publicités «sur mesure» grâce aux informations collectées sur les internautes.

Google a aussi eu des problèmes avec son logiciel «Street View», qui fournit des photos interactives et à 360 degrés de certaines villes. Il a dû le doter d'une reconnaissance automatique des visages et des plaques d'immatriculation, afin de pouvoir les flouter. La technique n'est «pas parfaite» mais «s'améliore avec le temps», a noté Peter Fleischer, assurant qu'il n'y avait encore eu aucune plainte.

Autre accusé, le navigateur internet Chrome, mis en ligne par Google dans une version expérimentale il y a tout juste une semaine mais déjà soupçonné d'être un nouvel outil de collecte d'informations. Google a pourtant tenté de devancer les critiques en le dotant d'un mode dit «incognito»: l'internaute peut s'assurer qu'aucune de ses données de navigation ne sera stockée dans un cookie, un fichier témoin installé sur son ordinateur.