Les blogues, ces carnets électroniques sur lesquels tout internaute peut ajouter son grain de sel, prennent de plus en plus de place dans le paysage médiatique. Sans faire directement concurrence aux médias traditionnels, leur influence auprès des entreprises, voire du gouvernement, semble de plus en plus évidente.

À l'échelle mondiale, les blogues sont en pleine explosion. L'agrégateur Technorati en recense 112,8 millions à l'heure actuelle, et leur influence auprès des consommateurs est généralement acceptée: un sondage pancanadien réalisé l'été dernier par Ipsos Reid révélait que plus de six Canadiens sur 10 basaient leur décision d'achat sur la teneur -positive ou négative- des commentaires émis sur des blogues.

Pas surprenant, donc, si les entreprises soucieuses de bien paraître tentent de calmer le jeu dans la blogosphère, si leur image y est malmenée. La semaine dernière, le lancement du iPhone d'Apple par Rogers, au Canada, illustre la capacité de mobilisation de cette variante du web 2.0.

L'effet multiplicateur

Le 11 juillet, jour officiel du lancement du téléphone d'Apple, Influence Communication recensait, sur l'internet, une nouvelle sur le sujet toutes les quatre secondes. C'est beaucoup plus que dans les autres médias électroniques, où l'iPhone était mentionné une fois toutes les 22 secondes.

Les jours précédents, l'insatisfaction des internautes quant aux forfaits proposés par Rogers, jugés trop coûteux, a profité de cette vague. Elle s'est cristallisée en une pétition en ligne immédiatement reprise par de nombreux blogues nord-américains, et recensée par le populaire agrégateur américain Digg, entre autres. Au même moment, l'entreprise torontoise annonçait un nouveau forfait plus abordable, offert de façon limitée. Coïncidence?

«Internet n'est pas un moteur de changement, comme les médias traditionnels, mais c'est un multiplicateur idéal, soutient Jean-François Dumas, président d'Influence Communication. Les blogueurs maintiennent des sujets dans l'actualité beaucoup plus longtemps, en faisant circuler l'information, la désinformation, les rumeurs...»

Il y a eu du vrai et du moins vrai à propos de la relation entre Rogers et Apple, mais au bout du compte, la nouvelle a pris des proportions énormes grâce à ce nouveau média. «Avant l'internet, on n'en aurait pas parlé tant que ça», estime M. Dumas. Aujourd'hui, les internautes forment une «communauté d'individualistes», ajoute-t-il. «Ils sont à l'abri des regards, mais ils font partie d'un groupe et ils ont l'impression qu'ils peuvent faire changer les choses.»

Ministères à l'écoute

Le gouvernement aussi est à l'écoute. Michael Geist, de la chaire de recherche du Canada en droit de l'internet et du commerce électronique à l'Université d'Ottawa, en sait quelque chose. Le professeur, blogueur et chroniqueur suit de près et commente régulièrement l'évolution du projet de loi C-61, qui renforce la loi canadienne du droit d'auteur face aux nouvelles technologies informatiques.

«Les blogues ont un niveau d'influence qui va grandissant, dit-il. Les bureaux du gouvernement les intègrent à leur veille médiatique et ils sont lus par les membres du gouvernement.»

Là encore, c'est la capacité de multiplication de l'internet qui est la clé. Jim Prentice, ministre de l'Industrie, a reçu plus de 20 000 lettres par la poste, critiquant le projet de loi C-61.

«Il en a reçu bien plus que ça par l'internet, indique M. Geist. C'est plus facile de mobiliser les blogueurs. Utiliser l'internet comme un outil de plaidoyer est très efficace.» Conséquence de cette levée de boucliers: des députés organisent des assemblées publiques dans leurs comtés, afin de recueillir l'avis de leurs électeurs.

Certaines entreprises ont commencé à se servir de l'influence naissante des blogues pour des fins promotionnelles. Le jour où elles tenteront de le faire pour agir sur le gouvernement n'est pas si loin, estime le professeur universitaire. «Ça pourrait arriver, dit-il. Il y a une authenticité, une désorganisation dans les blogues qui n'ont pas l'air feintes et qui ont un impact sur l'opinion publique.»