La crise que traverse la presse quotidienne est commune à l'ensemble des pays industrialisés, mais la France a tardé à en prendre la mesure, selon des économistes, qui estiment que les groupes de presse doivent absolument prendre le virage du net s'ils veulent survivre.

Après Libération en 2007 et le Figaro en février, Le Monde a annoncé à son tour qu'il allait réduire la voilure, avec la suppression de 129 emplois.

Malgré l'effet bénéfique des élections présidentielle et législatives, les ventes de la presse quotidienne payante ont encore reculé en 2007, avec une baisse de 0,72% de la diffusion, après -1,49% en 2006.

 

Le «déclin» de la presse quotidienne est un phénomène commun à tous les pays industrialisés, où les pics de diffusion ont été atteints entre 1985 et 1995.

 

La cause principale en est connue: l'apparition d'internet. Le web a donné accès aux lecteurs à une information gratuite en temps réel, pesant sur les ventes des quotidiens. Mais il a aussi asséché leurs ressources publicitaires, notamment avec la diminution drastique des petites annonces.

 

À ces données mondiales, se sont ajoutées des spécificités qui ont rendu la crise plus aiguë en France, selon des économistes.

 

«On est parti avec un taux de pénétration de la presse quotidienne beaucoup plus faible qu'à l'étranger. Si votre rentabilité initiale l'est aussi, il suffit qu'il y ait une petite baisse de la diffusion pour que les comptes tombent dans le rouge tout de suite», explique à l'AFP Patrick Le Floch, directeur du master management de la presse écrite à Sciences Po Rennes.

 

Autres handicaps: la faiblesse du nombre de points de vente et la cherté des coûts d'impression en France. Deux raisons citées par le géant allemand Axel Springer pour expliquer l'abandon du lancement d'une version française de son quotidien populaire Bild.

 

Au final, «on a tardé en France à s'attaquer aux racines du mal et on a manqué de réactivité», estime l'économiste Jean-Clément Texier, selon qui «nous abordons aujourd'hui des problématiques que nos voisins ont pris en compte à la fin du siècle dernier».

 

«Il faut s'occuper des lecteurs, faire du business et du marketing, envisager enfin que la presse est une industrie avant d'être un sacerdoce», estime l'historien Patrick Eveno, dans son ouvrage «La Presse quotidienne nationale: fin de partie ou renouveau».

 

«C'est toute la chaîne de fabrication et de distribution qui doit être réformée (...). Les journalistes devront également accepter de travailler pour plusieurs supports», prévient-il.

 

Car l'avenir, c'est «les plateformes éditoriales multi-canaux», intégrant internet, mais aussi la téléphonie mobile, estiment ces spécialistes.

 

«Certains experts anglo-saxons estiment même que le quotidien de demain sera peut-être un produit à haute valeur ajoutée sur papier, mais qu'il ne sortira que deux ou trois fois par semaine», rappelle M. Texier, qui préside la Compagnie financière de communication.

 

Des réductions de coûts sont désormais indispensables pour redresser les comptes, mais surtout pour dégager des fonds afin de réinvestir sur internet, avertissent ces spécialistes.

 

«Nous en sommes à un stade intermédiaire où les concentrations, à la fois capitalistiques et de produits, sont plutôt devant nous que derrière nous. Il est probable que dans cinq ans, il n'y aura plus que trois grands acteurs très intégrés en presse quotidienne régionale et peut-être deux ou trois titres extrêmement typés en presse quotidienne nationale», avertit M. Texier.