Internet, formidable outil d'échange d'informations, peut se transformer en voyeur complaisant, malmenant le respect de la vie privée -comme a pu l'exprimenter à son détriment la nageuse Laure Manaudou- et favorisant les règlements de compte.

Internet, formidable outil d'échange d'informations, peut se transformer en voyeur complaisant, malmenant le respect de la vie privée -comme a pu l'exprimenter à son détriment la nageuse Laure Manaudou- et favorisant les règlements de compte.

Une fois la machine lancée il n'est pas facile de l'arrêter. Jeudi, il était encore possible en quelques clics de trouver sur le web les photos très intimes de la championne de natation alors que ses avocats sont passés à l'action depuis plusieurs jours pour demander aux sites le retrait de ces clichés.

«La particularité d'internet, c'est que tout un chacun dispose d'un outil de publication, susceptible d'être vu de tous les internautes. Chaque particulier est à même de publier et de relayer rapidement à un coût quasiment nul» toutes sortes d'informations, déclare à l'AFP Stéphane Grégoire, juriste au Forum des droits sur l'internet (FDI).

L'anonymat, très fréquent sur la toile, favorise les mises en cause de personnes -célèbres ou non-, la propagation de rumeurs, la diffusion de clichés gênants.

Plusieurs stars ou personnalités en ont déjà fait les frais. Mais «Internet n'est pas pour autant une zone de non-droit», souligne Stéphane Grégoire.

En France, le mannequin Estelle Halliday a obtenu en 1998 la condamnation de l'hébergeur d'un site qui avait diffusé des photos d'elle sans son autorisation. Plus récemment, le patron du groupe britannique de publicité WPP Martin Sorrell a poursuivi d'anciens cadres accusés d'avoir tenu des propos infamants à son encontre sur des blogs et via des courriels. L'affaire s'est soldée par un dédommagement à l'amiable de M. Sorrell.

Dans le cas des photos de Laure Manaudou, «il y a une atteinte flagrante au droit à l'image et au respect de la vie privée», relève Lionel Thoumyre, directeur de Juriscom.net. Le diffuseur des photos -celui qui les a mises en ligne au départ - est le premier responsable. Mais tous ceux qui ont relayé ces clichés sur leurs blogues ou leurs sites peuvent également voir leur responsabilité engagée en qualité d'éditeur.

Les avocats de la nageuse ont écrit à ces sites pour leur demander de retirer les photos ou les liens permettant d'y accéder car cela «porte atteinte gravement à l'intimité de sa vie privée, à sa réputation et cela lui cause un préjudice très important», explique un des blogues concernés.

Les avocats peuvent agir aussi auprès des hébergeurs des sites en leur adressant une notification de contenu illicite, auquel cas ces derniers se doivent de bloquer sans attendre l'accès aux images litigieuses. «C'est un système très efficace», considère Me Bazile Ader, avocat au Barreau de Paris.

Au civil, les personnes diffusant des photos sans autorisation risquent de devoir verser des dommages et intérêts. Au pénal, ils s'exposent à un an de prison et à 45 000 euros d'amende.

«Sur Internet, vous n'êtes pas sans laisser de traces. Les autorités judiciaires peuvent vous retrouver», relève Stéphane Grégoire.

«Il y a une traçabilité. Tous les intermédiaires techniques ont une obligation de conserver» des données sur l'utilisateur, opine Me Ader. En cas de poursuites au pénal, des brigades spécialisées peuvent leur demander de donner ces éléments. «Les petits blogueurs qui postent depuis leur chambre sont faciles à trouver grâce à leur adresse IP», ajoute-t-il. Si le site est à l'étranger, c'est toutefois plus compliqué.

«Globalement, Internet est utilisé dans le respect de la loi», tempère Me Ader.