L'heure du dîner est passée dans ce café internet d'un quartier résidentiel de Hanoï et la salle est pleine à craquer. En dix ans, la Toile a fait son trou au Vietnam, ouvrant des perspectives de communication à la population malgré le filtrage du régime communiste.

L'heure du dîner est passée dans ce café internet d'un quartier résidentiel de Hanoï et la salle est pleine à craquer. En dix ans, la Toile a fait son trou au Vietnam, ouvrant des perspectives de communication à la population malgré le filtrage du régime communiste.

Aujourd'hui, le pays recense plus de cinq millions d'abonnés à internet et au total quelque 18 millions d'utilisateurs sur une population d'environ 84 millions d'habitants. Des chiffres qui lui permettent de revendiquer une place dans le top 20 mondial en terme de pénétration.

Le haut-débit dispose encore une grande marge de progression et tout le monde n'est pas égal face à la Toile. Internet s'est surtout développé dans les grandes villes comme la capitale Hanoï au nord, Ho Chi Minh-Ville (l'ex-Saïgon au sud) ou Danang au centre. Les campagnes y ont encore peu accès.

Mais pour ceux qui en profitent, notamment les 14-24 ans, «un nouvel espace social s'est ouvert, dans la réalité et virtuellement», commente Carl Thayer, expert du pays à l'Australian Defence Force Academy de Canberra.

La vingtaine de contacts que Tran Nguyen Hung a dans sa messagerie instantanée viennent d'un peu partout au Vietnam. «Certains sont mes amis à Hanoï, d'autres, j'ai fait leur connaissance en ligne mais je ne les ai jamais rencontrés», explique ce lycéen de 17 ans.

Dans les cafés internet, le «chat» et les jeux en ligne sont rois. Mais le web a aussi démultiplié les sources d'informations pour la population.

Grâce à internet, «j'en sais plus sur le monde, sur d'autres pays où je ne suis jamais allé», poursuit Tran Nguyen Hung. «Je ne peux pas imaginer comment serait ma vie si je ne me connectais pas au moins une fois par semaine».

Dans un pays où les médias sont encore sous la coupe du régime, internet a aussi ouvert un nouvel espace aux dissidents, qui peuvent plus facilement communiquer entre eux, se tenir informés, mettre en ligne des articles.

Internet, estime Carl Thayer, «a été un catalyseur crucial pour l'émergence du bloc 8406», mouvement pro-démocratique interdit mais qui a beaucoup fait parler de lui et mobilise les autorités depuis sa création le 8 avril 2006.

Le web sert aussi «de source d'information pour des sujets jugés trop sensibles par le gouvernement pour être discutés ouvertement, comme les relations avec la Chine ou le multipartisme», poursuit-il.

Le régime ne s'y trompe pas. S'il expérimente désormais lui-même le net pour dialoguer avec la population, il filtre autant que possible l'information qu'il juge néfaste.

Le gouvernement s'intéresse de près à la gestion «des sites d'informations électroniques, des blogs, des forums», a expliqué cette semaine le vice-ministre de l'Information et de la Communication, Le Nam Thang, alors que le pays fêtait le dixième anniversaire du lancement d'internet sur son sol.

L'objectif: «aider les gens à avoir accès à de bonnes et utiles informations», limiter les utilisations «à mauvais escient».

C'est pourtant ce contrôle que déplore l'organisation de défense de la presse Reporters sans frontières (RSF), qui recense huit cyberdissidents derrière les barreaux dans le pays communiste.

«Nous avions l'espoir que cette situation s'améliorerait avec l'entrée du pays dans l'Organisation mondiale du commerce» en janvier dernier, a estimé RSF. Mais cette année, le pays «a connu sa plus grande vague d'arrestations de cyberdissidents depuis 2002».