Septembre 2005: Radio-Canada se lance dans la baladodiffusion. Indicatif présent devient en quelques semaines le sixième podcast le plus téléchargé au Canada, selon le Top 100 de iTunes.

Septembre 2005: Radio-Canada se lance dans la baladodiffusion. Indicatif présent devient en quelques semaines le sixième podcast le plus téléchargé au Canada, selon le Top 100 de iTunes.

Deux ans plus tard, la version podcast de Christiane Charette, une des émissions-phares de la Première Chaîne, est laissée à l'abandon. Personne ne l'a mise à jour depuis le début de la saison; le dernier fichier date du 22 juin. «Personne dans l'équipe de Christiane n'a eu le temps de s'en occuper. Ils ont manqué de ressources», explique Marie Tétreault, chef des communications aux nouveaux médias à la société d'État.

Pendant ce temps, les contenus baladodiffusés de la CBC connaissent un succès remarquable. Alors que la radio de Radio-Canada ne propose qu'une dizaine d'émissions en balado (bulletins de nouvelles compris), la CBC en offre près d'une trentaine, dont 12 figurent dans le Top 100 de iTunes. Vinyl Cafe Stories, extrait d'une émission du week-end, trône même au sommet de la liste, grand numéro 1 au pays.

La barrière de la langue et les ressources relatives des deux secteurs de la société d'État y sont pour quelque chose. «Mais c'est vrai qu'ici, tout ce qui entre dans la catégorie «nouvelles plateformes de diffusion» est très marginal, reconnaît Marie Tétrault. La baladodiffusion, nous y croyons très fort, mais ça reste un produit très niché.»

Des chiffres désolants

Selon une étude publiée * la semaine dernière par Ad hoc recherche pour le compte d'Infopresse, un peu plus du cinquième des Québécois ont accès à un baladeur numérique et à un ordinateur branché sur internet. Pourtant, même s'ils en ont la capacité, seulement 12 % d'entre eux ont déjà téléchargé et écouté des contenus baladodiffusés. «C'est une triste surprise, affirme Michel Berne, chercheur associé d'Ad hoc et auteur de l'étude. Ça démontre que la baladodiffusion n'est pas si connue que ça au Québec.»

Sylvain Grand'Maison, fondateur de QuebecBalado.com et podcasteur indépendant, va dans le même sens. «Au Canada anglais, la baladodiffusion est un concept dont les médias ont beaucoup parlé lors de la grève des techniciens de la CBC et qui a forcé plusieurs animateurs à créer leur propre podcast.»

«Ici, il n'y a pas eu de couverture médiatique comme ça», ajoute Sylvain Grand'Maison.

Mais d'autres problèmes expliquent les difficultés du podcasting made in Québec. Au premier rang, l'absence presque totale de contenus artistiques (chansons, entrevues ou performances live) dans les podcasts de Radio-Canada et des diffuseurs commerciaux. Deux ans après avoir évoqué le problème, la question des droits n'a toujours pas été sérieusement discutée avec l'Union des artistes, pour qui la baladodiffusion n'est pas une priorité, faute de véritable modèle économique.

Autre problème, note Sylvain Grand'Maison: «À Radio-Canada, l'offre de baladodiffusion n'est pas centralisée. C'est à chaque émission de décider si elle diffuse ou non en balado.» Résultat: les émissions téléchargeables sont l'exception, et non la norme. C'est tout le contraire de ce qui se fait à France-Inter, la radio publique généraliste française, qui offre 40 émissions (presque toute la grille) en podcast, en plus de 43 chroniques courtes téléchargeables.

Un avenir brillant?

Malgré tout, la société d'État reste positive. Elle affirme avoir atteint les 130 000 téléchargements par semaine l'année dernière (toutes émissions confondues). Toutefois, un seul utilisateur peut facilement télécharger plus d'une dizaine de podcasts par semaine, et «il n'y a aucun moyen de savoir s'il a écouté l'émission par la suite», affirme Marie Tétreault. «Mais peu à peu, à force de petits pas, nous comprenons ce médium. Éventuellement, nous atteindrons une masse critique», avance-t-elle.

Le rapport d'Ad Hoc recherche tend d'ailleurs à démontrer la même chose. «En fait, 98 % des utilisateurs qui ont goûté aux podcasts se sont montrés satisfaits de l'expérience, et 29 % des propriétaires de baladeurs numériques comptent essayer la balado dans la prochaine année, souligne Michel Berne. J'en conclus que le podcasting est voué à une belle croissance. Si j'étais la SRC ou n'importe quel autre diffuseur, et que j'avais l'occasion d'investir dans la baladodiffusion, je le ferais sans hésiter.»

C'est, faut-il le rappeler, exactement ce qu'a fait Jeff Fillion en lançant sa RadioPirate en 2006. «La diffusion en podcast rejoint aujourd'hui plus du tiers de notre auditoire, affirme le directeur de la station, Jean-Nicolas Dallaire. Nous ne pourrions pas survivre sans ce mode de diffusion.»

* L'étude d'Ad hoc recherche repose sur un sondage téléphonique mené auprès de 504 adultes entre le 18 et le 15 juin 2007. Sa marge d'erreur est de 4,4 %, 19 fois sur 20.