«La première chose que je fais le matin est d'allumer mon ordinateur. C'est un plaisir de découvrir les messages arrivés pendant la nuit», assure Roko Shinohara, une septuagénaire. Au Japon, les «grands-mères high-tech» ne font nullement figure d'extraterrestres.

«La première chose que je fais le matin est d'allumer mon ordinateur. C'est un plaisir de découvrir les messages arrivés pendant la nuit», assure Roko Shinohara, une septuagénaire. Au Japon, les «grands-mères high-tech» ne font nullement figure d'extraterrestres.

Au contraire, les plus de 65 ans, qui représentent déjà un cinquième de la population dans un Japon vieillissant, sont bien conscients que la maîtrise d'internet ou d'un téléphone portable est souvent cruciale.

Surtout les femmes: avec une espérance de vie de 86 ans, la plus élevée du monde, les Japonaises ont en effet de fortes chances de devenir veuves puisque leurs maris ne vivent en moyenne que 79 ans.

«Beaucoup d'entre nous sont seules. Les ordinateurs sont un lien vital qui nous connecte à nos amis», explique Kayako Okawa, 77 ans, qui a fondé un club d'informatique pour «mamies» en 1997, dès le début de l'essor du Web.

Ce club, représenté dans tout le Japon, guide les «seniors» dans le dédale de la Toile. Il accueille quelque 200 hommes et femmes, souvent âgés de plus de 70 ans. La doyenne des adhérents, qui habite Kyoto (ouest), a 97 ans.

Ces vétérans internautes ne surfent pas différemment que les adolescents: ils échangent messages et photos et partagent à distance leurs créations personnelles (peintures, nouvelles, poèmes, musiques).

Ils font aussi leurs courses dans des galeries commerciales virtuelles, comme beaucoup de gens.

«Les librairies en dur sont devenues trop gigantesques, il est difficile d'y dénicher un ouvrage. En ligne, c'est plus simple», estime Mme Kamata.

Ces retraités «technophiles» partent aussi parfois en pèlerinage groupé dans les immenses boutiques de high-tech installées dans les grandes villes de l'Archipel.

Récemment, le club a ouvert un cybercafé temporaire, parrainé par le fabricant de puces Intel, dans le quartier de Sugamo à Tokyo, habité par de nombreuses personnes âgées. En l'espace de quatre jours, il a offert des leçons d'initiation à quelque 400 autochtones.

«Je suis un novice», s'excuse un ancien éditeur de 84 ans qui patiente sagement pour prendre son premier cours d'informatique.

«C'est peut-être un peu tard pour commencer à apprendre mais je veux me familiariser avec les ordinateurs», justifie-t-il.

Des PC, dotés d'un écran tactile très lisible et dépourvus de clavier, ont été prêtés par des industriels spécialement pour l'occasion.

Les Japonais âgés, qui n'ont pas grandi avec un pavé alphanumérique sous les mains mais avec un pinceau ou un stylo entre les doigts, se disent moins perturbés par la saisie tactile sur un écran que par la frappe des touches.

Ils peuvent interagir avec les machines de façon plus instinctive, selon les concepteurs de ces PC.

L'implication des entreprises dans le développement d'appareils pour les seniors rappelle à Mme Okawa combien les choses ont évolué en dix ans.

«Des ordinateurs pour les grands-mères ? Vous plaisantez !», rétorquaient à l'époque les fabricants en refusant de lui louer des machines.

«Les vieux ne sont pas des attardés sociaux», lance-t-elle fièrement.

Selon le ministère des Télécommunications, un tiers des septuagénaires nippons et 16% des plus de 80 ans sont internautes, une proportion deux fois plus importante qu'il y a deux ans.