La confirmation lundi de la condamnation d'un blogueur égyptien à quatre ans de prison ferme, pour atteinte à l'islam et diffamation du président Hosni Moubarak, a suscité l'inquiétude d'ONG craignant un recul de la liberté d'expression dans le pays.

La confirmation lundi de la condamnation d'un blogueur égyptien à quatre ans de prison ferme, pour atteinte à l'islam et diffamation du président Hosni Moubarak, a suscité l'inquiétude d'ONG craignant un recul de la liberté d'expression dans le pays.

«C'est un très mauvais signe pour la liberté d'expression en Egypte, et surtout un message extrêmement menaçant adressé aux autres blogueurs égyptiens», estime Julien Pain, responsable du bureau Internet et libertés de Reporters sans frontières (RSF).

«Le premier problème», poursuit-il de Paris, siège de RSF, «ce sera l'autocensure. Pour les autres blogueurs, (ce jugement) sera une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête».

La cour d'appel d'Alexandrie a confirmé lundi la condamnation d'Abdel Karim Souleïmane, 22 ans, à quatre ans de prison.

Actuellement emprisonné, le blogueur, connu sous le pseudonyme de Karim Amer, avait été condamné le 22 février à trois ans de prison pour atteinte à la religion et à un an pour diffamation du président Moubarak.

«Un précédent effrayant», ajoute Elijah Zarwan, porte-parole de Human Rights Watch (HRW) au Caire, qui craint que le jugement «ne ferme des fenêtres cruciales pour la liberté d'expression».

Karim est en effet le premier blogueur à être condamné en Égypte. L'an dernier, plusieurs blogueurs avaient été arrêtés puis relâchés.

Plutôt active, la blogosphère égyptienne est qualifiée par RSF de «contre-pouvoir efficace aux dérives autoritaires du gouvernement».

«Ce sont principalement eux (les blogues) qui ont fait circuler des informations gênantes pour le régime», selon M. Pain, une allusion à des vidéos de torture impliquant des policiers, relayées par plusieurs blogues ces derniers mois.

L'un des avocats du jeune homme, Gamal Eid, a dénoncé ce jugement comme étant «religieux, semblable à ceux de l'Inquisition».

Me Eid a indiqué à l'AFP que son client se pourvoirait «dans les 30 jours» devant la cour de cassation.

«C'est un jugement injuste, très exagéré», s'insurge pour sa part la blogueuse Dalia Ziada, en dénonçant une surenchère (du régime) avec «les Frères musulmans».

La condamnation «reflète la direction religieuse prise par le gouvernement», affirme cette jeune femme voilée qui, bien qu'elle soit en désaccord avec la plupart des positions de Karim, se dit prête «à le défendre jusqu'au bout».

Dans le dernier commentaire publié sur son blogue et datant du mois d'octobre, Karim répétait qu'il était contre «l'intrusion de la religion dans la vie publique et son emprise sur le comportement des hommes».

Ses opinions ne lui valent pas la sympathie de l'opinion publique, dans un pays de plus en plus conservateur où les islamistes sont la première force d'opposition.

Le fait qu'il ait critiqué l'islam a d'ailleurs fait de lui une «proie facile», juge M. Pain.

Karim, qui vient d'une famille très conservatrice, critiquait aussi l'université Al-Azhar, siège des plus hautes autorités de l'islam sunnite, d'où il avait été expulsé l'an dernier en raison du contenu de son blogue.

Son père a coupé les ponts avec lui et l'a publiquement condamné, appelant même, d'après la presse égyptienne, à le châtier en tant qu'athée.

Après sa condamnation en première instance, les États-Unis s'étaient déclarés «très préoccupés». Le Caire avait vivement réagi, affirmant qu'«il n'est du droit de personne d'intervenir dans les affaires de la justice égyptienne et de se permettre de commenter ses décisions».

L'arrestation de Karim le 7 novembre à Alexandrie avait coïncidé avec un rapport de RSF citant l'Egypte parmi 13 pays «ennemis de l'Internet».

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