Tandis que des mineurs jouent aux caïds sur YouTube, des vrais gangs de rue montréalais se servent d'Internet pour accroître leur pouvoir et commettre des crimes. Une tendance qui s'observe également aux États-Unis et en Angleterre.

Tandis que des mineurs jouent aux caïds sur YouTube, des vrais gangs de rue montréalais se servent d'Internet pour accroître leur pouvoir et commettre des crimes. Une tendance qui s'observe également aux États-Unis et en Angleterre.

«Il y a les gangs majeurs qui vont utiliser Internet pour recruter des filles ou faire des fraudes. Et il y a les wannabe ou imitateurs qui vont en écoeurer d'autres sur des sites comme YouTube ou MySpace, expose la criminologue et spécialiste des gangs de rue, Chantal Fredette. Un jeune va faire une petite vidéo pour en menacer un autre de le battre en arrière d'une station de métro. Ou bien il va se filmer en train de commettre un délit pour montrer qu'il peut devenir membre d'un gros gang», raconte la criminologue au centre jeunesse de Montréal.

Les gangs sérieux évitent les sites grand public comme YouTube, croit Mme Fredette. «Est-ce que les vrais membres qui font de la business, comme de la vente de drogue, perdraient leur temps à faire des petites vidéos? Je pense plutôt que les jeunes sur ce site sont en mal de sensation et en quête de succès instantané.»

George W. Knox, directeur du National Gang Crime Research Center, aux États-Unis, a récemment fait un parallèle entre la culture Web des gangs de rue et celle d'Al-Qaeda. Les terroristes, comme les membres de gangs, exhibent fièrement leurs crimes en ligne. Les policiers doivent déchiffrer des codes et comprendre les rouages d'une culture, a expliqué M. Knox en entrevue.

À Montréal, l'ampleur de la présence des gangs de rue sur le Web est encore méconnue des intervenants sociaux et de la police, admet Mme Fredette. Une source à la police de Montréal abonde dans son sens. «Les gangs investissent le Web. Ils organisent des initiations par Internet, entre autres. On surveille ça, mais on n'a pas encore d'argent pour ouvrir des enquêtes spécifiquement là-dessus», a-t-elle raconté à La Presse. Pour débusquer les sites investis par les gangs, il faut avoir des informateurs : il ne s'agit pas de taper «Crips» ou «Bloods» dans Google, explique notre source policière.

«Si des gangs recrutent sur Internet, cela démontre à quel point ils croient que la police n'interviendra pas, commente Wade Deisman, criminologue de l'Université d'Ottawa. Les policiers sont connus pour être traditionnels dans leurs enquêtes.»

En attendant, les imitateurs ou wannabe courent plus de risques qu'avant, signale Chantal Fredette. Ces jeunes qui se contentaient de se déguiser en Bloods ou en Crips se retrouvent aujourd'hui mêlés à des vrais criminels dans des événements à risque. «C'est peut-être à cause des informations qui circulent sur Internet, lance-t-elle. Avec leurs couleurs sur le dos, ils se ramassent dans des partys et des bagarres qui dégénèrent.»

Aux États-Unis, la police a procédé à des arrestations de membres de gangs de rue, à la suite d'informations mises en ligne sur des sites de réseautage (voir autre texte). Récemment, un jeune homme a été arrêté après avoir coloré son nom de gang sur une église. Les enquêteurs ont retracé son profil sur le site MySpace.

Gangs majeurs

Dans la grande région de Montréal, il y a 25 gangs majeurs qui comptent 1250 membres, selon la plus récente publication (2006) du Service de renseignements criminels du Québec. Dans toute la province, il y a 54 gangs majeurs pour un total de 1766 membres. Après Montréal, Gatineau est la ville la plus touchée par le phénomène.

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