Un présumé meurtrier s'est rendu à la police de Hamilton après qu'un détective eut mis sur YouTube une vidéo filmée par une caméra de sécurité. Aux États-Unis, un jeune membre de gang de rue s'est fait arrêter après avoir été retracé sur le site MySpace.

Un présumé meurtrier s'est rendu à la police de Hamilton après qu'un détective eut mis sur YouTube une vidéo filmée par une caméra de sécurité. Aux États-Unis, un jeune membre de gang de rue s'est fait arrêter après avoir été retracé sur le site MySpace.

Les gangs de rue utilisent le Web, des policiers aussi. Avec la popularité des sites de réseautage et la facilité à capter des images - un téléphone cellulaire suffit -, des citoyens tentent aussi de faire leur propre justice. En Europe, des gens victimes de cambriolage ont mis des images du vol en ligne. En Angleterre, une mère a utilisé YouTube pour implorer les témoins du meurtre de son fils de contacter la police.

«Avec Internet, il y a le potentiel de montrer des images à un très large public, indique Benoît Dupont, professeur de criminologie à l'Université de Montréal. Mais il y a le risque que des gens s'improvisent policiers.»

M. Dupont raconte que des campagnes de dénigrement s'organisent sur Internet contre des gens qui ont commis de petits délits. Des milliers d'internautes inondent de courriels des gens qui ont volé un cellulaire ou qui n'ont pas ramassé les excréments de leur chien, par exemple. «Que va-t-il se passer quand il y aura une erreur?»

Il peut y avoir des dérapages, opine son collègue de l'Université d'Ottawa, Wade Deisman. «Des gens sont fascinés par des émissions comme Law & Order, America's Most Wanted et Cops«, prévient le criminologue, qui craint l'apparition d'un «CrimeTube».

En décembre dernier, le détective ontarien Jorge Lasso a utilisé YouTube comme outil d'enquête. Il a demandé la collaboration du public en mettant en ligne une vidéo montrant un présumé meurtrier. La police de Hamilton n'a pas reçu d'information incriminant le suspect, mais ce dernier s'est rendu à la police.

«Dans la vidéo (vue 35 000 fois), c'était difficile de reconnaître les visages, raconte Wade Deisman. Il faut être judicieux et prudents quand on demande la coopération du public. Les personnes qui répondent à l'appel doivent être absolument certaines qu'elles reconnaissent le suspect.» En faisant appel au public sur Internet, non seulement les internautes peuvent fournir aux policiers des informations plus ou moins fiables, mais le taux de réponse peut être très élevé. «Disons que 300 personnes contactent les policiers, il faut beaucoup de ressources humaines pour traiter tout ça.»

Selon Benoît Dupont, le recours aux sites de réseautage comme YouTube ne deviendra pas une pratique policière courante. «Je pense que ça va rester marginal. Les gens qui commettent des crimes majeurs sont assez connus des services policiers.»

Le Service de police de la Ville de Montréal n'enquête pas sur les clips de glorification mis en ligne par les gangs de rue. «Nous ne pouvons pas parler de phénomène. Nous n'avons pas de données là-dessus», a dit à La Presse Melissa Carroll, chargée de communication.

Mais le SPVM a déjà eu une plainte de «happy slapping», un autre phénomène populaire sur Internet, surtout en Angleterre. Il s'agit de frapper un inconnu (une bonne claque dans la figure, par exemple), de filmer l'incident et de mettre la vidéo en ligne. Le but est de faire rire, mais les conséquences sont parfois brutales. «Il se crée une surenchère, une course à la vidéo la plus violente», signale Benoît Dupont.

Le droit à la vie privée

Tous ces phénomènes nuisent au droit à la vie privée, soulignent les experts. Que ce soit les témoins qui se retrouvent dans la vidéo d'un vol de dépanneur ou les victimes des blagues violentes.

«La loi québécoise est beaucoup plus stricte que la loi américaine, explique Pierre Trudel, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal. Le principe de base est qu'on ne diffuse pas l'image de quelqu'un sans son consentement, sauf si c'est d'intérêt public.»

«Si quelqu'un voyait son image sur YouTube, il pourrait intenter une poursuite contre la personne qui a décidé de mettre son image. YouTube serait analysé comme un hébergeur», conclut-il.

À lire aussi:

- Les ados à un clic des gangs de rue

- Internet: pour gangs de toutes tailles